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réorganiser une fois encore l’ancien conseil législatif. De quoi s’agissait-il en réalité ? De donner un avis que le gouvernement métropolitain était libre de ne pas suivre. Quatre nouveaux membres acceptèrent d’entrer dans ce conseil. Rien ne s’opposait plus à l’ouverture d’un débat qui promettait de n’être qu’affaire de forme puisque tous les conseillers, qu’ils fussent ou non sous la dépendance immédiate du gouverneur, avaient été choisis par lui. Cependant l’opinion publique avait fait des progrès depuis trois ans. La querelle s’était envenimée avec le temps. Le peuple, aigri par une longue attente, se persuadait que les représentans de la reine ajournaient la solution attendue de propos délibéré afin de maintenir aussi longtemps que possible le régime bureaucratique dont ils avaient tout le profit. Dans le parti opposé, l’on soutenait que cette agitation prolongée menaçait la paix publique. Comme il arrive d’habitude en pareille occurrence, les convictions en s’affirmant s’étaient poussées à l’excès de part et d’autre. Déjà les réformateurs les plus décidés ne se contentaient plus du contre-projet de MM. Fairbairn et Stockenstrom, il leur fallait le régime fédéral avec quatre provinces investies du droit de s’administrer elles-mêmes. Port-Élisabeth ne voulait point dépendre de Cape-Town. Les colons de la frontière orientale se croyaient le droit de réclamer leur autonomie. Il est curieux en effet que les tendances séparatistes n’eussent pas eu jusqu’alors plus de retentissement. En Australie, par exemple, outre qu’il y a déjà cinq provinces qui sont autant d’états indépendans, chaque ville aspire à jouer le rôle de capitale. Il n’est donc pas étonnant que le conseil législatif fût moins libéral lorsqu’il s’assembla en février 1852 qu’il l’avait été un an auparavant. Quelques-uns de ses membres auraient même voulu ajourner la réforme annoncée sous le double prétexte que la guerre des Cafres était une cause suffisante de trouble et que la ligue contre l’introduction des convicts avait réveillé des sentimens hostiles à la Grande-Bretagne. C’était notamment l’avis du secrétaire colonial et des membres non fonctionnaires que l’on pouvait supposer avoir été choisis pour cela. Sir H. Smith fit preuve en cette circonstance d’une perspicacité politique rare chez un soldat. Il vivait, en sa qualité de commandant en chef, au quartier-général, dans la Cafrerie britannique, abandonnant au secrétaire colonial le soin d’instruire les questions administratives ; mais on prenait son avis dans les circonstances importantes. Il répondit sur-le-champ, en apprenant qu’il s’agissait d’un nouvel ajournement, que rien dans la situation présente ne s’opposait à l’installation d’un gouvernement parlementaire.

Le conseil, mis en demeure de délibérer, voulut au moins s’en dédommager en amendant le projet en discussion dans un sens