Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/197

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

notable. La discussion s’allongeait, l’année allait finir, le gouverneur pria le conseil de voter le budget qui depuis plus d’un an n’avait été réglé que par voie administrative. Là-dessus la scission fut complète. Les quatre élus se retirèrent en déclarant qu’ils étaient venus pour préparer la constitution et non pour autre chose. Eux partis, le conseil n’était plus en nombre. La machine gouvernementale se trouvait encore désorganisée.

Pour sortir d’embarras, sir H. Smith engagea les huit membres qui lui restaient fidèles à terminer l’examen du projet, avec l’espoir que le ministre des colonies s’en contenterait faute de mieux. De leur côté, les dissidens, soutenus par les sympathies que la population leur témoignait, rédigèrent un contre-projet appuyé par les pétitions de nombreux adhérons. La ligue contre les convicts, récemment dissoute, avait eu dans tous les districts des correspondans qui se remuèrent une fois encore, mais dans un but politique. Des meetings, auxquels prirent part les neuf dixièmes de la population, firent bon accueil au contre-projet. Bien plus, on y décida de déléguer MM. Stockenstrom et Fairbairn pour en prendre la défense devant le parlement impérial. Cette agitation ne se comprend qu’à moitié, à considérer le sujet du débat. Dans le programme du gouvernement, les membres de la chambre haute devaient payer un cens élevé et être élus par circonscription. Dans le programme populaire, le cens était plus faible, et l’élection avait lieu par scrutin de liste pour la colonie. Il n’y aurait pas eu de quoi se brouiller, si les habitans n’avaient été aigris par le retard de cette constitution qu’on leur montrait en perspective depuis longtemps, et qui n’arrivait jamais.

Peut-être le parlement n’y eût-il pas fait attention sans la nouvelle guerre des Cafres qui éclata vers cette époque. Ce fut l’occasion d’une enquête dans laquelle toutes les allaires en suspens dans les établissemens de l’Afrique australe furent introduites. M. Fairbairn y fit valoir avec adresse que les troubles de la frontière, troubles sans cesse renaissans, étaient entretenus par les incertitudes du gouvernement actuel ; qu’on ne connaîtrait point la vérité sur ce qui s’y passait aussi longtemps que l’on n’aurait que des informations administratives, et qu’un gouvernement parlementaire auquel prendraient part tous les citoyens aurait pour conséquence d’éteindre les antipathies de race, de mettre en lumière les abus commis par les habitans de la frontière. A la chambre des lords, le cabinet s’entendit reprocher avec amertume par les tories l’ensemble de la politique coloniale inaugurée par lord Grey et en particulier l’ajournement de la constitution promise. Sous l’influence de ces événemens, le gouverneur du Cap reçut ordre de