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Qui pourrait croire que nos règles et nos procédés de répression disciplinaire, immuables depuis trois quarts de siècles et qui réclament aujourd’hui de si profondes réformes de principes et de fait, sont applicables et appliqués aux sous-officiers comme aux soldats dans nos régimens ! Les manquemens des uns et des autres motivent des punitions de même nature, et il n’est pas rare que la porte de la salle de police se referme sur des sous-officiers, — de la salle de police, dont je pourrais montrer l’abus traditionnel et malhabile, aussi bien que les effets d’altération sur l’esprit et sur la moralité des soldats eux-mêmes ! Pour les sous-officiers qui commandent et pour la foule militaire qui est commandée par eux, ne faudrait-il pas des modes et des degrés différens de répression ? Comment, par exemple, les premiers ne seraient-ils pas sensibles à la réprimande devant les sous-officiers de leur compagnie, de leur bataillon, du régiment tout entier ? Comment cette répression graduée n’agirait-elle pas plus sûrement, plus honorablement sur leur esprit, que cet emprisonnement où, pour des fautes souvent vénielles, ils s’abrutissent dans l’obscurité et dans l’oisiveté ? Si à cette question les admirateurs de nos vieilles règles de service intérieur répondent négativement : Comment ! leur dirai-je, un homme ainsi fait est-il ou reste-t-il sous-officier, c’est-à-dire associé au commandement et l’exerçant pour une part avec toutes les responsabilités qui s’y rattachent ? Ne voyez-vous pas que si, dans l’état présent de nos habitudes et de nos règles créées pour d’autres temps, le sous-officier de l’armée française tend à échapper par son caractère ou par son éducation à la condition subalterne qu’elles lui font, vous l’y ramenez presque infailliblement par les procédés de direction que vous lui appliquez ?

Je crois que, pour la consécration de quelques-uns des principes que j’ai exposés jusqu’à présent, une loi sur l’état des sous-officiers est aussi nécessaire aujourd’hui que le fut autrefois la loi sur l’état des officiers, qui a marqué, dans la constitution des cadres supérieurs jusque-là troublés par l’arbitraire, un progrès si considérable ; mais ce serait tomber dans une erreur grave, peut-être dangereuse, que de croire à l’analogie des deux principes, des deux situations, et de chercher à la faire prévaloir par la loi. En effet, la loi sur l’état des officiers a pour but de fixer les règles d’une carrière qui est définitive et de statuer sur les droits d’un personnel qu’elle considère comme voué au service du pays jusqu’aux approches de la décadence intellectuelle et de l’invalidité physique ; la loi sur l’état des sous-officiers vise au contraire une carrière qui n’est que provisoire, et qui statue sur les droits d’un personnel que le service du pays ne retient que pour un temps très limité. Elle rend aux sous-officiers, dans la force de l’âge, la liberté de suivre