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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 25.djvu/214

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envisagée du point de vue de bon sens et d’expérience pratique où se place l’écrivain militaire allemand qui dit avec autant de justesse que de rudesse : « Vous voulez de bons cadres ? La main à la poche ! » Mais je ne me suis pas borné à recommander ce moyen, qui sert efficacement, dans tous les temps et dans tous les pays, toutes les institutions ; j’ai vivement recommandé un moyen complémentaire que je crois particulièrement puissant en France, et j’ai dit : Vous voulez de bons cadres ? Élevez-les à la hauteur d’une institution. Sachez y intéresser l’opinion et y associer l’effort public. Surtout grandissez vos sous-officiers devant le pays, devant l’armée et devant eux-mêmes.


La publication, sous la forme d’une monographie, de cette étude extraite d’un travail inédit beaucoup plus étendu sur les institutions militaires en général, sur l’armée française en particulier, m’a paru opportune, — à titre de document à consulter, — au moment où le gouvernement et le parlement vont résoudre le problème si considérable et si longtemps ajourné de la constitution des cadres. Je n’ai traité que la question des sous-officiers, qui va être le -thème isolé de la discussion des pouvoirs publics ; mais assurément, ils ne perdront pas de vue que, si fonder l’existence des cadres régimentaires suffit pour en faire un organisme d’armée, il faut beaucoup plus pour en faire une institution militaire.

Pour en faire une institution, il faut leur assurer la solidité et la durée par la création, largement conçue, de pépinières destinées à les pourvoir incessamment de sujets préparés d’abord par l’éducation primaire militaire, ensuite par l’éducation spéciale. C’est l’objet des écoles d’enfans de troupe, (pour les fils des sous-officiers, des soldats, des douaniers, des forestiers, etc.,) et des écoles de sous-officiers, établissemens d’éducation militaire qui se font suite les uns aux autres et se complètent ceux-là par ceux-ci. Ils seront pour les familles militaires pauvres, dont l’existence est disputée, un inappréciable moyen d’assistance, et ils multiplieront ces familles, les seules où la vocation des armes, de plus en plus effacée dans le pays, puisse rester à l’état de tradition héréditaire. Ces grands centres de préparation pour la jeunesse militaire sont créés et déjà en plein exercice chez quelques puissances militaires de l’Europe. Ils seront dans l’avenir à l’encadrement des armées ce que la semence est à la récolte.