parlement, de véritables ministres soumis aux fluctuations de l’opinion publique. Était-ce le commencement d’une rupture entre la métropole et ses enfans d’outre-mer ? Loin de là, il semble que jusqu’ici la mère patrie soit devenue d’autant plus populaire qu’elle s’est moins mêlée aux luttes de chaque jour. C’est l’arbitre lointain et désintéressé que les colons invoquent dans les circonstances critiques ; c’est la source de toute justice puisque la cour suprême siège à Londres ; c’est la dispensatrice des honneurs puisqu’elle confère aux plus éminens les titres et les dignités que tout bon Anglais, même s’il vit au bout de l’Afrique, est fier d’obtenir. Le ministère britannique reste étranger à toutes les questions d’administration ou de législation locales ; seulement il choisit, outre le gouverneur, le commandant de l’armée ; en ce qui concerne le Cap en particulier, il a continué aussi de payer en partie les dépenses de la garnison par le motif que les frontières étaient menacées par des voisins turbulens contre lesquels les colons n’étaient pas de force à se défendre seuls.
Il convient de constater que l’affranchissement définitif du parlement colonial a été le début d’une politique que l’on qualifierait en Europe de radicale à beaucoup d’égards. Une loi de 1874 a établi la liberté absolue de tester, en contradiction avec les vieilles coutumes de la colonie que la loi romaine régissait depuis le temps de la domination hollandaise. Une autre loi de 1875 prononce la séparation de l’église et de l’état, tout en conservant aux ecclésiastiques de toutes religions en fonctions à cette époque l’intégrité de leurs salaires, leur vie durant, ainsi qu’à leurs successeurs pour une période de cinq années. A part cela, l’existence du cabinet a été paisible, car M. Molteno est encore premier ministre, à l’inverse de ce qui se passe dans les provinces australiennes où les crises ministérielles se succèdent à bref intervalle. Les autorités de la métropole ont laissé passer ces réformes audacieuses sans y mettre opposition, même lorsqu’elles étaient contraires aux principes favoris de la mère patrie. Conséquence singulière, les habitans de la Grande-Bretagne jouissent d’une moindre indépendance que leurs compatriotes d’outre-mer, puisqu’ils sont toujours dominés par des coutumes, par de vieux préjugés dont ces derniers ne prennent nul souci. Du reste, l’administration coloniale s’est montrée sage dans la gestion des affaires indigènes : elle a évité toute cause de guerre, bien entendu ; elle a institué des magistrats européens qui résident au milieu des natifs pour leur apprendre peu à peu les usages de la vie civilisée. Elle a construit des chemins de fer, des télégraphes, un port de refuge dans la rade de Cape-Town. La prospérité financière de la colonie lui a permis de partager ses faveurs entre tous