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ces bienveillantes mesures fut encore plus tardif que pour nos cagots. Les contestations, les procès, les arrêts sans nombre qui suivirent témoignent trop clairement combien les populations, soutenues sous main par le bas clergé, se montraient hostiles à toute idée de tolérance. D’ailleurs, si en Navarre, conformément aux nouvelles dispositions, les agotes furent tenus désormais de payer les contributions de guerre et de prêter le service militaire tout comme les autres habitans, ils n’en restèrent pas moins exclus de certains offices pour l’exercice desquels le candidat devait fournir des preuves de « pureté de sang, » autrement dit, établir juridiquement qu’il ne descendait ni de More, ni de juif, ni d’agot, ni d’individu mis en pénitence par l’Inquisition, et cela dura jusqu’en 1819, où une loi supprima les preuves de limpieza de sangre. Bien plus, dans la province voisine de Guipuzcoa, où tous les habitans devaient posséder ce genre de noblesse, le séjour du territoire leur était interdit, et en 1694 un décret des juntes ordonna aux maires ou alcades de rechercher, chacun dans sa juridiction, les agotes qui y habitaient et de les expulser dans le délai de deux mois. Vers la fin du siècle dernier, un grand seigneur navarrais, le comte de Saceda, natif d’Arizcun, touché du malheureux sort des agotes de Bozate, voulut les soustraire aux persécutions de leurs voisins ; il les transporta dans la province de Guadalajara, non loin de Madrid, où il fonda une colonie qui prit le nom de Nouveau Baztan, et leur donna des terres à cultiver. C’était compter sans l’attachement passionné qu’ont tous les Basques pour leur pays natal. Privés de leurs chères montagnes, ne voyant plus autour d’eux que l’aridité monotone des plaines de Castille, ceux-ci furent pris bientôt de nostalgie, et la plupart revinrent à Bozate, préférant à l’existence de calme qu’on leur avait assurée la honte et les vexations qui de nouveau les attendaient en Navarre. Croirait-on qu’en 1842 leurs descendans furent obligés de s’adresser à l’autorité ecclésiastique pour réclamer contre le préjugé persistant qui leur imposait encore une place séparée à l’église et jusqu’au cimetière ?


II

Rien de plus facile, on le voit, que de reconstituer siècle à siècle et, pour ainsi dire, année par année, l’histoire des cagots : les documens abondent, et il n’y a qu’à puiser ; où l’embarras commence, c’est, lorsqu’on veut préciser, avec leur origine, la cause première de l’ostracisme qui les frappait. L’opinion la plus répandue, même dans le midi de la France, les fait descendre des Visigoths vaincus par Clovis à la bataille de Vouillé, dont les débris seraient demeurés dans le pays, et ce nom de cagots leur viendrait de caas