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avaient droit. Dans tout cela, il n’y avait rien qui appartînt exclusivement à la royauté. M. Vuitry a donc raison de dire : « La monarchie féodale n’avait que des revenus seigneuriaux, elle n’avait pas de revenus royaux ; le domaine de la couronne et celui des grands feudataires ne présentaient aucune différence essentielle ; ils se composaient des mêmes élémens et procuraient les mêmes recettes. Ce n’est pas comme roi, c’est comme seigneur que le prince percevait des cens, des tailles, des droits de mutation ou d’amortissement, même des péages et des amendes judiciaires. » Il est vrai que les rois ont quelquefois essayé, dès le XIIe siècle, de rétablir des contributions vraiment royales, c’est-à-dire des impôts qui fussent levés sur tous les sujets et au seul profit de l’état. Telle fut la taille de Louis le Jeune en 1147 ; telle fut aussi la dîme saladine de Philippe-Auguste en 1190 ; mais ces tentatives ne furent que des exceptions, et elles eurent d’ailleurs peu de succès.

Comme il n’y avait de revenus que ceux du domaine, il suit de là que l’histoire financière de la royauté, depuis le XIe siècle jusqu’à la fin du XIIIe, se réduit à l’histoire de ce domaine de la couronne. Il est bien vrai qu’à ne regarder que le droit et la théorie féodale, le domaine aurait dû comprendre d’une certaine façon le royaume tout entier, car tous les fiefs relevaient du roi ; les plus grands feudataires, le duc de Normandie par exemple ou le comte de Toulouse, auraient dû lui payer des reliefs et des aides, auxquels les arrière-vassaux auraient indirectement contribué. Mais, en fait, ces puissans seigneurs s’étaient affranchis de presque toutes leurs obligations. Le domaine vraiment productif se réduisait donc aux pays que la famille capétienne avait possédés personnellement avant de monter sur le trône, c’est-à-dire à ce qu’on a appelé le duché de France. Dans les limites de cette région, il y avait deux sortes de terres, les unes qui appartenaient nûment au roi comme terres réservées ou comme censives, les autres qui relevaient de lui à titre de fiefs immédiats. Sur les premières, il avait la propriété complète et tous les profits qui y étaient attachés. Sur les secondes, il avait la suzeraineté et seulement les profits féodaux. Il administrait les premières, comme seigneur direct, par ses prévôts ; il n’avait avec les secondes que les rapports de suzerain à feudataire. Voici donc, en résumé, comment nous devons nous représenter le roi capétien : premièrement il est seigneur direct de vingt-deux grandes terres qui sont régies en prévôté, et dont les principales sont Paris, Orléans, Étampes, Melun ; en second lieu, il est suzerain d’un certain nombre de seigneuries sises dans le duché de France, telles que les comtés de Chartres, du Perche, de Corbeil ; troisièmement enfin il est suzerain de quelques grands fiefs