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qui se partagent le reste du royaume. Il perçoit les revenus complets des premières, les droits féodaux des secondes ; mais des troisièmes il n’obtient rien. Ce roi veut-il accroître ses ressources financières et avec elles sa puissance, deux moyens s’offrent à lui. D’une part, dans l’intérieur de son duché de France, il peut, en certains cas que le droit féodal détermine, reprendre un fief en sa main et changer ainsi une seigneurie en prévôté. D’autre part, hors de son duché, il peut rattacher à soi l’un des grands fiefs et le joindre à son domaine réel, soit en y constituant des prévôtés, soit au moins en y implantant sa suzeraineté d’une manière efficace. Il n’était pas besoin d’engager une lutte contre le système féodal, auquel la grande majorité des hommes étaient liés alors par leurs intérêts matériels. Il n’y avait pas à essayer une révolution politique, qui eût été impossible, ni à tenter la restauration d’un ancien gouvernement monarchique, dont personne n’avait une idée nette. Agrandir et transformer le domaine par ces deux procédés que les règles féodales autorisaient, telle était la seule ambition qui fût permise à ces rois, la seule qui parût légitime à leurs contemporains, la seule enfin qui pût aboutir au succès.

C’est donc à cette œuvre que s’employèrent uniquement les efforts de onze rois, depuis Hugues Capet jusqu’à Philippe le Hardi, et tous les progrès de la monarchie durant trois siècles s’accomplirent par l’un des deux moyens que nous venons d’indiquer. Dans le duché de France, Philippe Ier et Louis VI réussirent à transformer en prévôtés un grand nombre de fiefs, tels que le Gâtinais, le Vexin français, Corbeil et Montlhéry. Hors du duché, Henri Ier acquit le comté de Sens, Philippe Ier la vicomte de Bourges, Philippe-Auguste l’Amiénois, le Valois, le Vermandois, le Vexin normand, l’Artois, le comté d’Évreux, et la plupart de ces acquisitions devinrent des prévôtés royales. Le nombre de ces prévôtés, qui n’était que de 22 à l’origine de la dynastie, s’élevait déjà à 49 au commencement de l’année 1202, ainsi que le constatent les comptes des revenus du roi qui nous ont été conservés pour cette année. Puis, les grands fiefs eux-mêmes furent atteints. La Normandie, l’Anjou, la Touraine, le Poitou, furent confisqués par une sentence judiciaire appuyée d’une armée. Les comtés de Ponthieu, de Clermont en Beauvaisis, d’Alençon, furent réunis au domaine. À la mort de Philippe-Auguste, on peut compter 94 prévôtés : immense accroissement où il entrait autant d’habileté que de bonheur. Louis VIII lui-même eut le temps de s’emparer de l’Aunis et de la Saintonge. Dans la guerre contre les hérétiques albigeois, les succès et les revers des hommes du nord servirent également la royauté, et la lutte religieuse aboutit à ce résultat inattendu de lui donner tout le beau comté de Toulouse. Un mariage enfin réunit la