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LE CABINT TORY
L'OPINION ANGLAISE
ET LA QUESTION D'EGYPTE

C’est une affaire grave pour un peuple que de rompre avec sa politique traditionnelle et d’adopter subitement de nouvelles règles, un nouveau système de conduite. Il devrait réfléchir longtemps avant de dire : Ce que nos pères aimaient, nous ne l’aimons plus ; ce que nos pères craignaient, nous ne le craignons plus ; nous entendons nos intérêts autrement que nos pères ne les entendaient. Il y a dans les intérêts généraux d’une nation quelque chose de permanent, et dans son histoire une raison cachée et silencieuse, avec laquelle doivent compter ses caprices, ses goûts et ses dégoûts, ses lassitudes et ses inconstances. La raison finit toujours par avoir raison de nous ; ni l’éloquence des orateurs les plus verbeux, ni les clameurs des plus tumultueux meetings ne peuvent rien contre elle. Tôt ou tard elle châtie les imprudens qui l’ont méconnue et leur enseigne à leurs dépens que, s’il est dangereux de trop parler, il est plus dangereux encore de se brouiller avec l’histoire et de s’inscrire en faux contre les siècles.

On a vu en France un souverain plein de bonnes intentions, mais aussi téméraire que mal conseillé, répudier les traditions nationales pour substituer à la politique de Henri IV le périlleux système des grandes agglomérations. La nation ne l’a suivi qu’avec déplaisir dans les voies aventureuses où il l’engageait, elle avait des scrupules, des défiances, des inquiétudes ; son bon sens protestait, mais son bon sens n’a pas su résister. L’événement lui a prouvé que ses anxiétés étaient fondées. Le souverain a perdu son procès, c’est la nation qui en a fait les frais, et les événemens sont des juges qui font payer très cher leurs sentences ; la justice de l’histoire est la plus coûteuse de toutes les justices. Le royaume-uni offre aujourd’hui au monde un spectacle tout