les tremblemens de terre si fréquens dans ce pays ; leurs toits se sont partout effondrés, mais en général leurs murailles résistent, et quelques-unes possèdent encore leurs trois étages. C’est là le grand intérêt que présentent pour nous ces ruines. « Partout ailleurs, dit M. de Vogüé, si ce n’est à Pompéi, la vie privée des anciens n’a, pour ainsi dire, pas laissé de traces : en Grèce, en Assyrie, en Égypte, la demeure de l’individu a disparu. C’est à la littérature, à la peinture, à la sculpture, que nous devons les quelques notions que nous possédons sur l’habitation humaine ; c’est par un effort spéculatif que nous en reconstruisons les lignes ; le contact immédiat nous fait défaut, la perception directe nous manque. Dans la Syrie centrale, au contraire, la vie privée apparaît dans tous ses détails matériels. La demeure subsiste à tous les degrés de l’échelle sociale, avec ses accessoires somptueux ou modestes, dans toutes ses relations soit avec la vie publique, soit avec la vie religieuse, soit enfin avec la mort. » M. de Vogüé vient de prononcer le nom de Pompéi : c’est un souvenir que rappellent inévitablement les ruines des villes syriennes. Dans les plaines du Haouran, comme au pied du Vésuve, un hasard heureux nous a conservé des témoins de la vie antique, qui la remettent sous nos yeux ; mais là s’arrêtent les ressemblances. Autant les maisons de Pompéi sont élégantes et gracieuses, autant celles de la Syrie ont un aspect sérieux et dur. Ce qu’on peut dire, c’est que les unes et les autres conviennent tout à fait aux lieux où elles sont placées. Celles de Pompéi étaient faites pour embellir les horizons charmans de la baie de Naples ; on comprend que tout y soit riant et joyeux. Les autres sont voisines du désert ; elles s’élèvent au milieu de sites grandioses, mais austères, dans des plaines qui sont souvent sans eau, sans verdure, sans ombrage. Il est naturel qu’elles aient quelque chose de triste et de rude comme le pays qui les entoure. D’ailleurs, ceux qui les ont bâties ne disposaient pas de tous les matériaux qu’on trouve en si grande abondance dans les contrées heureuses de la Campanie. Le bois est rare, ou même tout à fait absent dans la Syrie centrale ; il faut le remplacer par la pierre. Tout est en pierre dans les édifices du Haouran, même les battans des portes et les volets des fenêtres. Avant de construire une maison, on creuse dans le rocher, à une assez grande profondeur, des caves et des citernes, et les matériaux qu’on en retire servent à élever les murailles. Ce genre de construction, où n’entrent ni le bois, ni la brique, et qui ne se composent que de grands blocs posés l’un sur l’autre, ne permet guère les agrémens et les caprices. La grandeur, mais une grandeur un peu monotone et raide, en est la qualité dominante. « Ce sont, dit M. de Vogüé, de hardis et habiles tailleurs de pierre que les architectes de ce temps et de
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