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ce pays. Rarement, si ce n’est en Égypte et dans les civilisations primitives de l’Orient, on a vu attaquer le rocher avec cette vigueur. » Dans certaines régions, au nord par exemple, le voisinage des grandes villes grecques du littoral a donné le goût d’une architecture un peu plus élégante. La façade des maisons y est ornée de deux rangs de portiques superposés que soutiennent, suivant la fortune du maître, des colonnes ou des piliers monolithes. Les appartemens communiquent entre eux par ces galeries extérieures qui leur donnent ainsi l’ombre et le frais. Ailleurs, l’aspect des édifices est beaucoup moins agréable ; plus de galeries, de grands murs sans fenêtres, qui n’ont d’autre ouverture sur la rue qu’une porte étroite et quelques balcons élevés : c’est déjà l’Orient d’aujourd’hui, où la vie domestique est si rigoureusement concentrée dans l’intérieur des habitations et ne se manifeste pas au dehors. Ce qui remplace en Syrie l’inévitable atrium des maisons de Pompéi, c’est une grande salle qui occupe en général presque tout le rez-de-chaussée ; elle était destinée aux réunions de la famille et aux réceptions des étrangers. L’étage supérieur, auquel conduit un escalier de pierre, placé quelquefois dans la grande salle, contient les chambres à coucher et les appartenons intimes. On y trouve des enfoncemens ménagés dans les murs pour servir d’alcôves et d’armoires. Plusieurs de ces maisons sont si bien conservées qu’on les habite encore. M. de Vogüé raconte qu’il en a trouvé une dans un petit village du Haouran où logeait le cheikh de l’endroit. « Il l’habite, nous dit-il, comme l’habitait son prédécesseur du IIIe siècle ; les femmes et les enfans, le hurem en haut ; les divers services dans les chambres du bas ; la vie publique dans la salle. C’est dans cette salle que nous fûmes reçus, mes compagnons et moi, avec les cheikhs du voisinage, que le repas du soir nous fut servi sur un large plateau posé à terre, à la lueur fumeuse d’une lampe d’argile alimentée avec du beurre fondu, et qu’ensuite chacun de nous s’étendit pour la nuit sur le tapis et les coussins rangés le long du mur. » A côté des appartemens du maître, ces vieilles maisons contiennent le logement des serviteurs. La cuisine est taillée dans le roc, sous la maison ; une sorte de table de pierre creuse forme le foyer ; au-dessus, un trou circulaire percé dans le plafond laisse entrer le jour et sortir la fumée. Tout autour, des anneaux, des niches, des auges, servaient à suspendre, à ranger, à laver les ustensiles de ménage. Tous ces petits détails curieux, qui peuvent sembler d’abord sans importance, rendent le passé plus vivant. Un peu plus loin, dans une aile séparée, se trouvent les écuries, avec des auges de pierre pour faire boire les chevaux, et des trous dans les piliers pour les attacher ; à côté de l’écurie, les caves, les celliers, les pressoirs pour l’huile et pour le vin. Un de