marées d’équinoxe. Les eaux, refoulées contre les rives du fleuve, montent en bouillonnant, les submergent, et le spectacle, très grandiose, très émouvant, n’est pas toujours sans danger pour les personnes qui se trouvent trop près des rives. On part en partie de plaisir du Havre, de Rouen, même de Paris, pour assister à ce phénomène, quand il revêt ce caractère singulier. Le mascaret se fait sentir tous les jours sur la Seine maritime, et y trouble la navigation des caboteurs, des barques qui montent à Rouen ou en descendent. A plus forte raison empêche-t-il les chalands qui pourraient venir par les canaux de l’intérieur et la Seine fluviale d’aborder directement au Havre. On l’évite du mieux que l’on peut. Il y a sur la rive droite du fleuve, à peu près à moitié chemin entre Rouen et Tancarville, une espèce de conque que l’on appelle le Trait, et où le mascaret ne se fait pas sentir. C’est là que se réfugient les barques. Quand des bateaux non pontés, de faible tonnage, tels que les bateaux de canaux ou de rivière, ne peuvent éviter le mascaret, ce n’est généralement pas sans danger qu’ils en subissent les atteintes, le fond de la Seine est enchevêtré de leurs épaves.
Une des causes prédominantes qui font que le fret de sortie manque au Havre est précisément ce péril que le mascaret fait courir aux chalands qui pourraient lui en apporter avec économie par les voies navigables intérieures. Les matières lourdes, volumineuses, qui sont en même temps de peu de prix et ne peuvent supporter des frais de transport trop chers ni des manutentions trop répétées, ne sauraient aujourd’hui aborder avantageusement Le Havre, si elles viennent d’un point de l’intérieur assez éloigné. La plupart des matériaux de construction et des combustibles sont de ce nombre : la pierre à bâtir, le plâtre, la chaux, le ciment, les tuiles, les briques, les ardoises, la houille, le bois, le charbon de bois ; beaucoup de produits agricoles ou forestiers également, tels que les sucres de betterave, les vins, les huiles, le foin, les engrais, les bois d’œuvre ; enfin tous les minerais et la plupart des métaux communs. Combien de ces produits ne verrait-on pas arriver utilement au Havre, si une voie de communication moins dangereuse que la Seine maritime, et plus abordable aux chalands et aux péniches du fleuve et des canaux qui en dépendent, pouvait directement rejoindre ce port ! Aujourd’hui l’on est obligé de transborder à Paris, tout au moins à Rouen. De là des frais qui arrêtent la plupart des envois. Si cela n’était pas ainsi, quel nouvel élément d’exploitation serait offert non-seulement aux caboteurs, mais encore à une partie des longs-courriers, même des steamers, dont quelques-uns, comme les bateaux à vapeur charbonniers, partent du Havre pour l’Angleterre presque entièrement sur lest ! Une partie des matériaux de construction que le bassin de Paris produit