elle exalte parmi eux les humbles, ordonne de secourir les pauvres, de protéger les esclaves, de ménager le débiteur : tous les sept ans les dettes étaient abolies dans cette année sabbatique où les affaires étaient suspendues. Ainsi la loi religieuse avait voulu faire et avait fait de tous les Juifs un véritable peuple de frères, animés d’une fidélité inébranlable les uns envers les autres, mais aussi d’une haine invincible contre les étrangers.
La loi chrétienne, qui s’impose à tous les hommes, a étendu à l’univers entier les prescriptions de la loi mosaïque appliquée aux seuls Hébreux ; elle a dit : Aimez vos ennemis, faites du bien, et prêtez sans rien espérer, — et les théologiens se sont arrêtés à cette prescription ; mais, à côté des préceptes religieux qui ont en vue la perfection, ont persisté et enfin ont fini par l’emporter les préceptes politiques et la loi civile, qui ont en vue l’utilité ; c’est le royaume de César à côté du royaume spirituel. Les Grecs avaient pratiqué le prêt à intérêt sans restriction : voyageurs, commerçans et marins, le contrat qui facilite le plus les transactions au dehors leur était un instrument nécessaire dont le jeu réclamait toute liberté. Les lois de Solon n’apportaient donc aucune limite au taux de l’intérêt, qui variait du minimum de 12 pour 100 à 48 et 50. L’usure maritime était plus élevée que l’usure terrestre. Mais en dépit de l’indulgence des lois, l’opinion publique condamnait les excès de l’usure. Aristote la place au dernier rang des sources de la richesse, et Aristophane la raillait sur le théâtre.
A Rome, la fixation du taux de l’intérêt fut une des préoccupations constantes du législateur, et les exigences des prêteurs firent naître plusieurs fois de graves conflits. Entre le patriciat usurier et les plébéiens emprunteurs, la guerre fut longue et cruelle, et la nécessité de limiter le taux de l’intérêt s’imposa dès la promulgation de la loi des douze tables, qui maintenait cependant le droit de vie et de mort du créancier sur le débiteur et concédait au premier le pouvoir de réduire le second en esclavage après une procédure sommaire. Le taux de l’intérêt fixé par elle était, d’après M. Troplong, de 10 pour 100 par année. La querelle, apaisée par cette loi, ne tarda pas à se réveiller, et la question des dettes devint de plus en plus le principal champ de bataille du tribunat ; la loi Licinia finit par donner au peuple, avec le consulat plébéien, le partage des terres et la diminution des dettes, banqueroute partielle, suivie bientôt de la réduction du prix de l’intérêt même ; néanmoins, malgré les lois sur l’usure, il se maintint à un taux exorbitant, et du temps de Cicéron un sénatus-consulte le fixa définitivement à 10 pour 100. Dans les provinces, le fléau de l’usure faisait encore plus de ravages, et Lucullus, en Asie, donna le premier exemple de la modération en établissant que le taux ne. dépasserait pas la