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très importante à propos de l’impôt sur le revenu, combattu par M. Thiers, président de la république, et soutenu par M. Wolowski, député de Paris, celui-ci déclara, dans son discours en décembre 1871, que la richesse de la France pouvait être estimée à 200 milliards dont 120 pour la fortune immobilière et 80 pour la fortune mobilière, alors que celle de l’Angleterre ne dépassait guère en totalité 220 milliards. C’est le même chiffre encore que donne sept ans plus tard, mais en le présentant comme très réduit, M. S. Mony dans une excellente étude sur le Travail, où il invoque les ouvrages statistiques de M. Block et les documens les plus récens. Pour évaluer la fortune nationale, on prend le chiffre déclaré dans les successions ouvertes en une année, on le multiplie par le nombre des années de la vie moyenne, et, en y ajoutant un tantième pour les valeurs dissimulées, on obtient un total qui semble très justifié. M. S. Mony a pris le capital des successions déclarées en 1869, 4 milliards 500 millions ; multiplié par trente-neuf ans, durée moyenne de la vie, augmenté de 20 milliards pour plus-value probable, il arrive à 200 milliards. D’après d’autres calculs, en estimant la valeur des hectares construits et des hectares cultivés, la fortune immobilière s’élèverait au chiffre de 100 milliards donnant un revenu annuel de 12 milliards dont 3 pour les propriétaires, 9 pour les fermiers, la main-d’œuvre, l’impôt, etc. De son côté, la fortune mobilière atteindrait le même chiffre de 100 milliards : un tiers environ se composerait de tout ce qu’on appelle ordinairement les valeurs mobilières, rentes, actions, obligations diverses ; le reste représenterait le capital de la grande et de la petite industrie, comme aussi celui du commerce et des professions diverses. Quoi qu’il en soit de ces évaluations plus ou moins justes, on peut affirmer, sans commettre aucune erreur, qu’il est incontestable que la richesse mobilière a pris en France un développement inouï, et, nous n’hésitons pas à le dire, plus considérable que partout ailleurs. Nos anciennes habitudes d’économie, habitudes qui tendent malheureusement à décroître, ont été le principal élément de ce progrès. On disait qu’aux États-Unis pas un individu sur cent ne faisait entrer l’économie dans ses moyens d’enrichissement ; en Angleterre, on en comptait à peine dix sur cent ; en France au contraire, la proportion s’élevait à quatre-vingt-dix sur cent. Ce sont principalement les revenus de la propriété immobilière qui ont permis l’accumulation des épargnes et par conséquent accru la fortune mobilière elle-même, plus encore que les bénéfices du commerce et de l’industrie. L’histoire de ces dernières années en offre la démonstration éclatante : sans doute après la guerre de 1870, le mouvement industriel a été considérable ; il s’agissait de