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rétablir en une année les stocks de produits de tous genres épuisés et de parer au déficit causé par deux années de chômage ; mais depuis 1872 et 1873, qui a permis de solder les impôts, qui a maintenu et accru cette consommation et par suite cette aisance moyenne qui font la grandeur de notre pays ? N’est-ce point la fertilité de notre sol et le renouvellement des récoltes excellentes dont la Providence nous a gratifiés ? Tout en reconnaissant que l’accroissement de la richesse mobilière est l’instrument du progrès industriel, tout en admettant, ainsi que le veut le simple bon sens, qu’il importe de payer à ce capital le prix sans lequel il ne resterait pas à la disposition du travail, tout en exigeant pour lui le respect le plus scrupuleux et les garanties les plus étroites, ne cessons donc pas de recommander, comme le moyen le plus sûr de l’accroître, l’économie et la prévoyance, et, comme sa base la plus solide, l’augmentation de la richesse immobilière.

Le capital mobilier et la propriété foncière ont été l’objet des mêmes attaques et défendus par les mêmes argumens : l’un et l’autre se recommandent comme des nécessités sociales semblables ; On nous pardonnera néanmoins, après avoir vanté les mérites de la propriété mobilière, de la comparer à la propriété immobilière elle-même et d’en faire ressortir, à un certain point de vue politique et moral, l’infériorité. Autant la propriété immobilière est mère de la prévoyance, des longs projets, des pensées saines et des sentimens pacifiques, autant l’autre, comme son nom l’indique, se prête aux désirs rapides, aux satisfactions éphémères, au changement dans les existences. L’homme qui cultive sa terre subit la loi des saisons, ne se révolte pas contre les sévérités du ciel et attend le succès à venir de ses seuls efforts : sans doute, il n’est point exempt d’envie ; mais il connaît le but auquel il tend, et bien souvent sa patience le conquiert. Il sait enfin se reposer dans son œuvre et la défendre avec un soin jaloux. En est-il de même de ce revenu mobilier qui représente peut-être le labeur employé pour le conquérir, mais dont l’emploi se prête à toutes les jouissances plus ou moins modérées, qui coule pour ainsi dire entre les mains, qui monte ou baisse de prix au gré d’événemens privés ou publics dont le possesseur n’est pas le maître, et qui ne laissent dans son cœur le plus souvent que des rancunes ou des satisfactions également inconscientes et injustes, enfin qui excite des convoitises jamais assouvies. Nous avons vu la propriété foncière devenir l’objet des désirs de tous les habitans de nos communes rurales ; le développement de la petite propriété n’a pas atteint, tant s’en faut, ses dernières limites, puisque dans les calculs dont il a été parlé plus haut, elle ne représente aujourd’hui que le tiers de la propriété