L’année est à peine commencée, et déjà une fortune étrange a rassemblé dans ces quelques semaines les événemens les plus graves, les mieux faits pour remuer le monde. À l’orient de l’Europe, l’empire turc en est à se débattre, à expirer peut-être sous la main victorieuse, habilement appesantie et implacable de la Russie ; le vieil équilibre des nations s’effondre sur le Bosphore, sans qu’on sache, sans qu’on puisse distinguer comment il sera remplacé ou reconstitué. À l’occident, dans cette ville de Rome qui s’est appelée jusqu’ici la ville éternelle, à un mois d’intervalle, la puissance des révolutions accomplies se dévoile par la mort presque simultanée de celui qui a été le premier roi d’Italie et de celui qui aura été le premier pontife représentant au Vatican une papauté spirituelle à côté d’une royauté nationale établie au Quirinal.
Victor-Emmanuel, par son âge, par la vigueur de son organisation, semblait pouvoir se promettre un plus long règne ; il a été prématurément frappé l’autre mois d’un mal subit qui l’a emporté en quelques heures. Sa mort a été comme un coup de foudre qui laisse encore l’Italie étonnée et émue. L’hôte du Quirinal était à peine enseveli au Panthéon d’Agrippa, l’hôte du Vatican, à son tour, Pie IX, vient de s’éteindre comblé de jours et d’épreuves, gardant jusqu’au bout, sous le poids de l’âge et dans le déclin de ses forces, la clarté de l’esprit, l’aménité du cœur aussi bien que la dignité du caractère. Plus d’une fois déjà on avait annoncé sa fin prochaine, et, à ne consulter que le cours naturel des choses, il aurait paru sans doute devoir devancer tous les autres. Pie IX a vécu assez pour voir disparaître la plupart de ceux qui ont été les grands acteurs du drame italien, et son plus habile coopérâtes, le cardinal Antonelli, et Cavour, le plus puissant, le plus généreux antagoniste du pouvoir temporel, et Napoléon III, cet ami qui lui a été plus fatal que beaucoup d’ennemis, et ce prince même qui de