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LES NOUVEAUX
TRIBUNAUX EGYPTIENS


I

On sait que depuis plus de trois siècles les rapports de la France avec les pays dits barbaresques, l’Égypte entre autres, sont régis par un ensemble de traités échelonnés entre 1535 et 1740 et connus sous le nom de capitulations. Tous les peuples européens, aussi bien que les États-Unis, en ont successivement signé de semblables ; tous y ont fait introduire la clause, considérée aujourd’hui comme principale, en vertu de laquelle les nationaux étrangers sont soustraits aux juges et aux lois des pays musulmans, pour être placés sous la juridiction tutélaire de leurs consuls. Cependant le régime des capitulations, suffisant pendant des siècles pour la protection de quelques marchands enfermés dans un quartier spécial, devenait tout à fait impropre à régler les rapports internationaux lorsque, par suite de la révolution économique survenue en Égypte sous Méhémet-Ali et ses successeurs, l’élément européen eut pris une place considérable dans la population et les intérêts du pays. La nécessité fit adopter des usages, qui vinrent tantôt suppléer au silence des traités, tantôt déroger à leurs dispositions. C’est ainsi que s’introduisit la coutume de porter devant le tribunal consulaire du défendeur, par application de la règle actor sequitur forum rei, les litiges survenus entre étrangers de nationalité différente ; c ! est ainsi que les actions civiles, puis bientôt les poursuites criminelles dirigées par un indigène contre un Européen, furent successivement soumises à la décision des consuls. Mais ces usages ne paraient que très incomplètement aux difficultés de la situation, et ne sauvegardaient ni les intérêts des Européens, ni ceux des indigènes.