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d’entraîner l’Autriche et l’Italie sans condition sur Rome après sa première victoire. L’opinion générale des gouvernemens en Europe encourageait ces espérances, tellement était grand le prestige militaire de la France. L’envoyé italien repartit le 3 août, les batailles de Wœrth et de Forbach furent perdues le 6 août. Le simple rapprochement de ces dates est plus éloquent que tous les raisonnemens et nous amène à reconnaître que, quand même la France aurait accepté sans modifications le traité qui lui était présenté, nos défaites auraient peut-être empêché l’Italie et l’Autriche de le ratifier et de se déclarer pour la France battue, qu’elles ne pouvaient être prêtes à soutenir que vers le 15 septembre.

Envoyé de Châlons en Italie avec des instructions personnelles de l’empereur et un ordre militaire signé du commandant en chef de l’armée, le maréchal de Mac-Mahon, j’arrivai à Florence le 20 août. Mes instructions étaient de demander le secours armé de l’Italie et de l’Autriche, en laissant l’Italie libre de faire ce qu’elle voulait à Rome ; je n’aurais pas accepté de mission sans cette clause. Mais il n’était plus temps, et la concession sur Rome était trop tardive. L’Italie demanda à consulter l’Autriche, ce qui fit perdre quelques jours. L’Autriche tarda à répondre. Les nouvelles militaires étaient tellement mauvaises qu’elles rendaient tout secours armé impossible à obtenir.

Le 4 septembre arriva, et avec lui disparut la dernière lueur d’espoir d’un concours armé en faveur de la France. La mission de M. Thiers auprès de toutes les cours est une preuve accablante que non-seulement nous avions perdu nos alliances, mais jusqu’aux dernières sympathies de l’Europe. Telle est la vérité sur les négociations intervenues entre la France, l’Autriche et l’Italie en 1868-1869 et 1870. Les projets de traités, lettres des souverains, lettres particulières, dépêches télégraphiques, existent. Quand les détenteurs de ces documens le voudront, ils pourront les produire.

Sans pouvoir l’affirmer, je crois inexact ce que l’on a dit des promesses faites par la Prusse à l’Italie. Quand les Italiens entrèrent à Rome, le 20 septembre 1870, ils étaient assez inquiets de savoir comment la Prusse jugerait cette occupation. Un incident explique cette indécision. Le pape, en face de l’entrée imminente des Italiens, écrivit au roi de Prusse pour implorer son appui. La lettre du souverain pontife est arrivée avant le 20 septembre au quartier général de Ferrières, où les préoccupations militaires empêchèrent le premier ministre allemand d’exposer à son souverain une affaire de cette importance et de prendre immédiatement ses ordres. Il y eut un assez long silence de la Prusse, de là inquiétude en Italie, espoir à Rome. On le voit, toutes les influences furent implorées par le