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l’endroit de la première relâche de l’Endeavour, l’attention du commandant se trouve attirée par deux petites baies ; Tolaga et Tegadou, d’après les naturels. On jette l’ancre dans la seconde ; les habitans témoignent des dispositions amicales ; Cook en est ravi, car il juge l’occasion propice pour obtenir des renseignemens sur le pays. Tout de suite on veut descendre à terre, mais les rafales de vent, la pluie, la hauteur du ressac partout considérable, empêchent d’aborder. Dans la soirée, le ciel s’étant rasséréné, le commandant, H. Banks et le docteur Solander, se hâtent de débarquer. Ils sont reçus avec de vives démonstrations d’amitié ; les indigènes, comme arrêtés par un sentiment de délicatesse, prennent soin de ne se présenter nulle part en grandes masses. Ce sont les membres d’une famille ou les habitans de deux ou trois maisons, hommes, femmes et enfans, qui s’asseyent sur le sol, portent la main sur la poitrine et invitent de cette façon gracieuse les étrangers à venir près d’eux ; on récompense tant de courtoisie par des présens. Dans cette localité tout semble favorable pour une relâche ; il y a deux petits torrens d’une eau fraîche et limpide. Les naturalistes se mettent en campagne ; les indigènes les observent avec curiosité, trafiquent de quelques objets et s’en retournent à leurs occupations ordinaires, Encouragés par cet accueil, MM. Banks et Solander vont sans défiance explorer les contours de la baie ; à chaque pas, des plantes inconnues les plongent dans l’extase ; ils abattent des oiseaux et ils tombent dans l’enchantement devant l’exquise beauté de ces créatures. Ils visitent plusieurs maisons, et les habitans montrent gracieusement tout ce qui semble les intéresser ; ceux qui prennent leur repas ne songent pointa se déranger. Pour la première fois il est permis d’entrevoir le genre de vie des Néo-Zélandais. A cette époque de l’année, la population consomme particulièrement du poisson et, en guise de pain, la racine d’une fougère. La racine d’abord exposée au feu, puis battue à l’aide d’un bâton, une sorte d’écorce se détache ; il reste une substance molle, de saveur douce. En d’autres saisons, les naturels se nourrissent de végétaux ; ils n’ont pas de mammifères sauvages ; on ne voit parmi eux que des chiens tout petits et fort laids. Les investigateurs rencontrèrent de remarquables plantations, où le terrain se trouvait partagé, nivelé, ratissé, comme dans nos jardins ; il y avait des patates disposées avec une parfaite régularité en cercles ou en quinconces, sur des monticules des cocotiers, sur le sol uni, des gourdes enfoncées dans des creux. Les cultures étaient plus ou moins étendues ; chacune avait ses limites tracées par des piquets si rapprochés qu’une souris n’aurait pu passer dans les intervalles. Une réflexion surgit : les farouches Néo-Zélandais ne sont donc pas absolument des sauvages.