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Les femmes, assez peu jolies, s’embellissaient en se peignant le visage avec de l’ocre rouge délayée dans l’huile. Ceux qui croyaient convenable de les saluer à la mode polynésienne ne manquaient jamais de se barbouiller le nez ; ainsi fut dénoncée la politesse de plusieurs Anglais. Coquettes autant que les plus élégantes Européennes, les belles de Tegadou portaient une jupe avec une ceinture faite d’une herbe parfumée que rehaussait un bouquet de feuilles odoriférantes. On ne put s’empêcher de reconnaître que les soins de propreté sont moins ordinaires à la Nouvelle-Zélande qu’à Taïti ; sous le climat des tropiques, on aime se baigner : on s’en dispense volontiers sous le climat très tempéré ou même froid. Un exemple de délicatesse domestique comme on n’en avait vu nulle part ailleurs dans les îles de la Polynésie et comme il était rare d’en voir au XVIIIe siècle dans la plupart des villes d’Europe frappa beaucoup les explorateurs. A Tegadou, chaque case ou chaque groupe de deux, trois, quatre maisons avait un cabinet particulier ; aussi n’existait-il de traces répugnantes en aucun endroit. Tous les reliefs de cuisine, tous les débris étaient amoncelés pour être sans doute employés plus tard à fumer la terre.

Cook part de Tegadou avec l’intention de continuer sa route vers le nord, mais le vent contraire souffle ; alors, d’après l’avis des indigènes, il redescend au sud afin de gagner la baie de Tolaga où l’on promettait un facile accès du rivage, de l’eau délicieuse, du bois en abondance. A Tolaga, M. Banks et le docteur Solander se livrent à de longues herborisations, aucun danger ne semble à craindre ; pénétrant dans plusieurs vallées, ils trouvent partout les maisons désertes ; à cette époque, les habitans vivaient sur des coteaux sous des abris fort légers. Dans une vallée dont les flancs sont escarpés un accident de la nature les frappe d’admiration : un roc présente donnant sur la mer une immense ouverture en forme d’arc. Près de l’endroit où l’on puise de l’eau, un vieillard retient les explorateurs pour les rendre témoins d’un exercice militaire. Spectacle curieux et bien nouveau pour des Européens que l’emploi d’une lourde massue tranchante sur les bords et d’une lance faite d’un bois très dur, longue de 4 à 5 mètres, pointue aux deux extrémités ! Partagés en deux groupes, les champions avancent comme des furieux les uns contre les autres. On brandit la lance ; un homme empoigne l’arme qui le menace et s’efforce de l’arracher. L’ennemi est-il censé atteint, la massue, frappée sur un corps qui représente la tête, prouve son effet terrible. On comprit à ce jeu que la vraie bataille doit être une scène d’affreux carnage. Le lendemain, on fit la rencontre d’un prêtre ; Tupia engagea la conversation sur le culte, et le commandant de l’Endeavour s’émerveilla de voir Taïtien et le Néo-Zélandais s’entendre infiniment mieux qu’il n’est