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chapelles. Il est certain qu’on pouvait le faire sans causer aucune surprise ou donner aucun ombrage à personne : c’était l’usage qu’on élevât sur les hypogées païens des salles consacrées au culte des morts, où l’on venait, dit une inscription, célébrer le souvenir de ceux qui reposaient au-dessous, ad confrequentandam memoriam quiescentium. Un testament sur parchemin, qu’on a découvert à Bâle il y a quelques années, contient des prescriptions très curieuses au sujet des édifices de ce genre ; l’auteur du testament donne le plan de celui qu’il veut faire bâtir pour lui : il l’appelle « un monument consacré à sa mémoire, cella memoriœ ; » il demande qu’on y dresse sa statue, qu’on y place des tables et des sièges en marbres précieux, et qu’on l’ouvre à certains jours pour y donner des banquets en son honneur : Rien n’empêchait donc les chrétiens, même avant la paix de l’église, d’élever des édifices de ce genre consacrés à la mémoire des martyrs, et M. de Rossi pense qu’ils ont dû le faire ; en tout cas, si ces édifices ont existé, il est probable qu’ils n’ont pas survécu à la persécution de Dioclétien, qui fit démolir toutes les églises chrétiennes. Les plus anciens que nous connaissions datent du temps de Constantin ; sous son règne et après lui ils se multiplièrent beaucoup dans les environs de Rome. Malheureusement il n’en reste plus aujourd’hui que quelques pans de murailles en ruine, qu’on traite avec peu d’égards, malgré leur vénérable antiquité. Les plus délabrés achèvent de périr sans honneur ; les mieux conservés ont été réparés tant bien que mal et servent de celliers ou de caves. M. de Rossi les a tous étudiés avec soin ; il a pu presque toujours retrouver le nom qu’ils portaient, et il est arrivé quelquefois à en refaire le plan. Les plus anciens paraissent avoir été de petites chapelles à trois absides (trichora), surmontées d’une coupole, dont la façade était entièrement ouverte, en sorte qu’elles devaient ressembler aux exèdres antiques, et qu’on leur en donnait quelquefois le nom. Les jours de fête, la foule qui remplissait la campagne environnante pouvait assister de loin aux offices sacrés et en suivre toutes les cérémonies. Elles étaient bâties au-dessus de la crypte où reposait un martyr célèbre, et l’autel devait s’élever sur sa tombe[1]. Des escaliers placés des deux côtés de l’autel conduisaient à la crypte même, qu’on appelait, qu’on appelle encore « la confession » et où les fidèles descendaient prier. M. de Rossi a raison de prétendre qu’il faut tenir grand compte de ces antiques oratoires quand on fait l’histoire de

  1. D’autres fois on creusait le sol jusqu’à la crypte où le martyr était enterré, et l’on faisait de sa tombe même un autel. Dans ce cas, la basilique est enfoncée à moitié dans la terre et n’en sort que par son toit et sa partie supérieure. C’est ainsi que sont construits Saint-Laurent et Sainte-Agnès, et cette basilique de Sainte-Pétronille que M. de Rossi a découverte il y a trois ans au-dessus du cimetière de Domitille et qui a donné une si éclatante confirmation à ses prévisions.