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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 26.djvu/578

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l’art chrétien et qu’on cherche sur quel modèle le christianisme a bâti ses premiers édifices. Qu’il ait eu devant les yeux les anciennes basiliques de Rome et qu’il en ait reproduit les formes principales, on n’en peut pas douter, et lui-même n’a pas cherché à le cacher, puisqu’il donnait ouvertement ce nom à ses églises ; mais il ne se fit pas scrupule de modifier ces formes qu’il empruntait d’après ses besoins et ses usages ; il les adapta librement aux nécessités de son culte. C’est ainsi que la basilique, qui est ordinairement rectiligne, se termina toujours chez lui par une abside où il plaçait le trône de l’évêque, qu’il creusa au-dessous du sol une confession et flanqua souvent l’édifice d’absides latérales qui devaient servir de chapelles. Il entra donc dans les temples de la nouvelle religion, au moins à Rome, deux élémens divers qui se combinèrent ensemble et dont le mélange finit par produire un édifice nouveau. Ces oratoires devinrent très nombreux dans le siècle qui suivit la paix de l’église. Les contemporains nous parlent de ces petites chapelles des martyrs (innumerœ cellulœ martyrum) qu’on voyait s’élever de tous les côtés dans la campagne romaine. Autant les chrétiens avaient aimé l’ombre et cherché le mystère pendant trois siècles, autant ils tenaient à paraître au grand jour depuis qu’ils se sentaient les maîtres. Il leur plaisait d’étaler leur victoire et d’en jouir. Naturellement ils associaient à leur joie les victimes des persécutions passées, et partout leurs tombes vénérables, qu’on avait tenues si longtemps secrètes afin de les sauver de la fureur des ennemis, semblaient vouloir sortir de terre pour s’offrir à la vénération des fidèles triomphans.

Les chrétiens aimaient beaucoup ces basiliques nouvelles qui, par leur situation même au-dessus des catacombes, leur faisaient mieux sentir la joie d’être libres et victorieux. Ils s’y réunissaient en grande foule aux jours de fête ; ils voulurent reposer autour d’elles après leur mort. C’est ainsi que le sol supérieur de la plupart des cimetières est tout occupé par des tombes. On a remarqué qu’en général les inscriptions qu’on y a recueillies n’ont pas tout à fait le caractère de celles qu’on trouve dans les cimetières souterrains. Le défunt semble n’avoir plus le même souci de dissimuler ses titres et ses honneurs. S’il a occupé des dignités importantes, on ne résiste pas au désir de nous l’apprendre. Ses parens ne lui ménagent plus les éloges, et, quand la prose ne suffit pas à célébrer ses vertus, on les chante en vers. Il n’y avait d’autres vers aux catacombes que ceux que le pape Damase avait composés à la louange des martyrs ; ici la poésie abonde, une poésie emphatique et banale qui distribue à peu près à tous les morts les mêmes complimens. Que nous sommes loin de ces épitaphes modestes des catacombes où le nom du défunt est seul rappelé, avec un souhait de paix et de bonheur, où le plus grand éloge qu’on fait de lui, s’il est mort jeune, c’est de l’appeler