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jour, le marquis de Calvières, revenant sur ses pas, entra dans Aigues-Mortes, à la tête d’une poignée d’hommes, désarma la garnison de cette petite place, en faisant les officiers prisonniers. Il fut bientôt rejoint par un chef de volontaires, le capitaine Achard, ayant sous ses ordres une cinquantaine de pêcheurs armés par ses soins, et assura par ce coup de main au duc d’Angoulême un solide point de débarquement. En même temps, l’Hérault se soulevait à la voix du marquis de Montcalm. Le 27 juin, le général Gilly, commandant la division dont Montpellier était le siège, avait fait afficher la proclamation suivante : « Napoléon a abdiqué. Pour donner la paix à la France, des commissaires se sont rendus près des puissances alliées. Si elles ont été franches dans leurs déclarations, la paix sera rendue au monde ; si leur dessein a été de nous tromper en déclarant qu’ils n’en voulaient qu’au chef du gouvernement, qu’ils sachent que la France peut être envahie, jamais subjuguée. » Ce langage, au lieu d’apaiser les esprits, les excita, et la journée du lendemain fut troublée par une sanglante collision entre les royalistes et les fédérés. Les volontaires s’étant portés sur la ville, où déjà flottait le drapeau blanc, y tuèrent un mulâtre, capitaine de la garde nationale, qui s’était fait remarquer depuis deux mois par son ardeur à les poursuivre. Ils attaquèrent ensuite la citadelle, dans laquelle le général Gilly s’était enfermé avec la garnison. Ils furent repoussés après un combat meurtrier qui coûta la vie à cent dix personnes[1], et quittèrent la ville dont les habitans n’en continuèrent pas moins à fêter, par des chants et des danses, le retour des Bourbons. Pendant ces réjouissances, le préfet s’entendit insulter par une foule furieuse à laquelle il n’échappa qu’à grand’peine. Ici, deux versions également vraisemblables sont en présence. Selon l’une, les royalistes se seraient portés à des excès, auraient pillé le café militaire, arrêté un valet de ville, saisi les dépêches dont il était nanti, blessé à coups de pierres trois officiers, dont l’un, chef de bataillon du 13e de ligne, mortellement, et c’est pour réprimer ces tentatives que le général Gilly aurait fait sortir de la citadelle plusieurs patrouilles. Selon l’autre, le calme n’avait pas été troublé, et la conduite du général Gilly n’eut pour cause que l’irritation dans laquelle le jetèrent les manifestations de la joie publique. Quoi qu’il en soit, l’une des patrouilles tira sur un groupe de danseurs. Deux femmes furent tuées, trois blessées. Quatre jours après, nouveau conflit. Un vieillard, attiré à sa croisée par les cris de Vive le roi ! que poussaient les volontaires, fut tué d’une balle, entre ses deux filles. Enfin les royalistes restèrent victorieux. Le général

  1. Rapport du marquis de Montcalm. (Archives du dépôt de la guerre.)