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général de Lagarde, étant monté à cheval, parcourut le faubourg, où il apprit qu’un faiseur de bas[1] venait d’être assassiné dans sa maison, littéralement haché à coups de sabre. On parvint enfin à réunir les détachemens errans de la garde nationale, et, lorsqu’on se fut convaincu que la sécurité publique n’était plus menacée, on les renvoya dans leurs quartiers. Un autre crime, connu seulement le 17 octobre au matin, vint accroître les appréhensions causées par cette nouvelle tentative d’émeute. Une bande de six hommes s’était présentée au domicile d’un ouvrier en soie[2], marié et père de quatre enfans, l’avait entraîné loin de son domicile et fusillé malgré les prières et les larmes de sa famille[3]. Cette bande avait voulu arrêter aussi un cultivateur et, ne l’ayant pas trouvé chez lui, s’était vengée sur sa femme, en la blessant grièvement.

L’effroi des habitans fut profond ; mais il s’apaisa quand ils apprirent que, durant cette même nuit, Trestaillons avait été mis dans l’impuissance de nuire. Peu de temps avant, Trestaillons, assistant à une course de taureaux dans les arènes, avait été provoqué par un individu qui, ayant eu à souffrir de ses violences, voulait le tuer. Comme il refusait de se battre, en se retranchant derrière son grade de capitaine de la garde nationale, l’autre l’avait blessé au ventre avec la pointe d’un sabre. La blessure n’était pas grave[4] ; mais elle avait cloué Trestaillons au lit pendant cinq semaines, et les troubles du 16 octobre coïncidèrent avec son rétablissement. On le vit durant la journée et le soir dans divers quartiers de la ville. Le comte de Lagarde voulut en finir avec le scélérat, et, profitant du déploiement des forces mises sur pied cette nuit-là, il donna l’ordre de l’arrêter, après avoir au préalable fait braquer une pièce de canon sur le boulevard où l’arrestation paraissait devoir être opérée. Ce fut là, en effet, qu’on trouva Trestaillons, sortant d’un cabaret, tenant les propos les plus violens contre ceux qui essayaient d’entraver les vengeances royalistes. Appréhendé au corps avec un garde national qui plus tard fut reconnu seulement coupable de s’être trouvé en sa compagnie, il fut mis en voiture séance tenante, et expédié à Montpellier sous bonne escorte. Le lendemain, comme on redoutait que la nouvelle de cette arrestation n’engendrât de nouveaux désordres, on emprisonna les pillards précédemment mis en liberté, et avec eux Truphémy, qu’on eut le tort de laisser sortir de prison peu après, et qui n’expia ses crimes que cinq ans plus tard.

  1. Lafond.
  2. Lïchaire.
  3. C’est en 1820 seulement que Servent, dit le Camp, reconnu coupable de ce meurtre, fut condamné à mort et exécuté.
  4. Rapport du baron Larrey. Archives du Gard.