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transformations qui s’accomplissent dans les idées, dans les mœurs, ils sont aussi pleins d’enseignemens pour ceux qui se préoccupent d’acclimater sérieusement en France des institutions nouvelles, toujours difficiles à pratiquer. Les républicains réfléchis, sensés, n’ont qu’à regarder autour d’eux et à se demander ce qui peut le plus utilement servir la république. Est-ce de proférer sur le passage des princes étrangers des cris saugrenus, heureusement rares, de proposer pour un régime libéral et pacifique des hymnes de guerre civile, de coiffer quelque statue baroque de la république du bonnet phrygien, de prétendre tout refaire, tout remuer, tout ébranler, sous prétexte de tout marquer à l’effigie républicaine ? N’est-ce point au contraire de montrer aux princes de l’Europe une France hospitalière et polie, d’éviter tout ce qui peut réveiller de néfastes souvenirs ou provoquer des crises nouvelles, de mettre de la mesure et de la prudence même dans les réformes nécessaires, d’aider de son mieux le gouvernement à nouer, s’il le peut, des relations utiles, à conduire les affaires avec une modération prévoyante ? C’est là toute la question, c’est le nœud de la situation intérieure.

Que les partis poussent leurs victoires jusqu’au bout, qu’ils veuillent profiter de leurs avantages pour réaliser leurs idées, qui souvent ne sont que des chimères, pour satisfaire leurs passions et leurs ambitions, c’est assez l’usage, il est vrai ; c’est l’histoire de tous les temps, de presque toutes les situations. Nous le demandons cependant, au point d’existence incontestée où est arrivée la république constitutionnelle créée il y a trois ans, après l’échec éclatant des dernières tentatives de réaction, à quoi sert ce système de représailles, d’invalidations qu’on poursuit obstinément ? On a fini par se créer un embarras dont on ne sait plus comment se dégager, dont la chambre elle-même est visiblement agacée. Justes ou injustes, ces actes de parti ne se comprennent qu’au lendemain de la lutte et de la victoire ; quand la chaleur du combat s’est éteinte, ils n’apparaissent plus que comme de froides vengeances arbitrairement exercées. Il y a sept mois que le scrutin du 14 octobre 1877 a eu lieu, cinquante élections ont été déjà invalidées, on n’est pas arrivé au bout de cet inépuisable travail, et on ne l’aura probablement pas terminé avant la prorogation nouvelle qui commencera sans doute le mois prochain pour se prolonger jusqu’à la fin de l’automne. Il restera dans tous les cas un certain nombre d’élections mises pour ainsi dire sous le séquestre, en interdit jusqu’à une plus ample information. Voilà des collèges provisoirement sans députés, et ce serait une bien autre affaire si la commission d’enquête électorale avait réellement la pensée qu’on lui prête de coordonner une vaste instruction dont le dernier mot serait la mise en accusation du ministère du 16 mai. Ainsi plus d’une année après les événemens, peut-être l’année prochaine, on en viendrait 15, on ferait le procès des anciens ministres, —