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REVUE. — CHRONIQUE.


teur est demeuré fidèle au plan d’écrire autant de monographies distinctes qu’il existe à Naples d’institutions charitables. C’est ainsi que ce nouveau volume est consacré tout entier à deux établissemens : l’hospice de Saint-Pierre et Saint-Janvier hors les murs, et le Pieux-Mont-de-la-Miséricorde. Ce plan, dont le caractère complexe des établissemens napolitains ne permettait peut-être pas à la duchesse Ravaschieri de se départir, présente pour le lecteur français l’inconvénient de ne pas lui permettre d’établir entre l’organisation et les ressources de l’assistance charitable à Naples et à Paris une comparaison instructive. Mais peut-être donne-t-il à l’ouvrage lui-même un intérêt plus général en lui conservant son caractère historique et en nous faisant pénétrer au cœur de la vie morale et religieuse de l’Italie méridionale dans le passé et dans le présent. Ainsi que l’écrit la duchesse Ravaschieri avec une tristesse éloquente, « l’histoire des peuples est presque toujours une histoire de douleur ; mais ces douleurs, lorsqu’elles émeuvent la charité, peuvent changer le mal en bien et féconder dans l’âme des hommes ces vertus civiques qui font l’honneur d’une nation. » C’est en effet des douleurs du peuple napolitain que sont nés presque tous les établissemens charitables qui honorent aujourd’hui son sol, et en particulier cet hospice de Saint-Pierre et Saint-Janvier, dont la duchesse Ravaschieri ouvre l’histoire par un récit sobre et touchant de la mort de saint Janvier et de sa mère, qui rendit le dernier soupir à genoux, en prière, après avoir embrassé son fils partant pour le martyre. L’hospice de Saint-Pierre et Saint-Janvier ne remonte cependant point à une aussi ancienne origine. Il fut fondé en suite de la terrible peste de 1656, qui créa à Naples une telle misère qu’il fut nécessaire de prendre des mesures pour donner un abri aux nombreux mendians. Transformée, agrandie, l’œuvre se divise aujourd’hui en trois branches : un refuge pour les femmes, un asile pour les orphelins et un hospice pour les vieillards. C’est en effet, un usage de la charité napolitaine d’abriter sous un même toit les misères les plus diverses, et l’on n’y paraît pas redouter la contagion morale et matérielle que ces misères agglomérées peuvent se transmettre de l’une à l’autre. L’hospice de Saint-Pierre et Saint-Janvier ne paraît pas au bout des modifications qu’il devra subir, car la nouvelle législation italienne sur les établissemens hospitaliers lui a imposé d’introduire certains changemens dans ses statuts en même temps que la lente transformation des mœurs le met aux prises avec des difficultés nouvelles. Entrons ici dans quelques détails : c’est le seul moyen de saisir sur le vif certains traits de la charité et des mœurs napolitaines.

L’hospice de Saint-Pierre et Saint-Janvier comprenait, ainsi que je l’ai dit tout à l’heure, un asile pour les orphelins et orphelines, appelé Conservatoire. Aux orphelines qui avaient été reçues en bas âge dans