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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/485

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REVUE. — CHRONIQUE.


leurs efforts, fondèrent bientôt une association puissante qui est arrivée avec le temps à posséder une église magnifiquement ornée, un établissement de bains à Ischia qui existe encore aujourd’hui et où les pauvres sont traités gratuitement, un asile dit « de l’Ange gardien, » consacré aux prisonniers malades, un grand nombre de lits dans les hôpitaux, et des bourses dans plusieurs colléges. L’œuvre conserva longtemps la forme et l’organisation que lui avaient données ses premiers fondateurs. Elle était administrée par sept députés que nommaient les souscripteurs de l’œuvre, et dont chacun s’adonnait à l’une des sept œuvres de miséricorde : le soin des malades, l’ensevelissement des morts, l’assistance aux prisonniers, le rachat des captifs, la visite des pauvres honteux, le secours aux pèlerins, enfin l’administration des biens de l’œuvre.

La forte organisation du Pieux-Mont-de-la-Miséricorde, qui disposait de ressources considérables, ne put cependant échapper au despotisme jaloux de Ferdinand VII. En 1843, un rescrit royal enlevait, malgré leurs protestations, aux sept députés élus la direction de l’œuvre pour la donner à un superintendant nommé par le roi. Ce rescrit ne fut jamais accepté par les souscripteurs, et, lors de l’annexion du royaume de Naples à la monarchie piémontaise, le retour aux anciens statuts fut réclamé par eux avec instance. Ce n’est que tout récemment qu’ils ont obtenu gain de cause, et que le gouvernement italien a donné son approbation à un statut nouveau rendant à l’œuvre ses anciennes franchises, et introduisant dans les sept œuvres de miséricorde quelques modifications rendues nécessaires par la disparition des captifs à racheter et des pèlerins à recevoir.

Disons à ce propos qu’il est regrettable que la duchesse Ravaschieri ne s’exprime pas avec plus de liberté sur la situation bonne ou mauvaise que les nouvelles lois religieuses ont faite en Italie aux établissemens charitables. Catholique ardente et patriote sincère, partagée, combattue peut-être entre ces deux tendances, elle aurait pu, mieux que tout autre, nous donner sur ces questions si rarement examinées de sang-froid l’avis d’un esprit ferme et sagace. Autant qu’on peut en conclure des renseignemens qu’elle nous fournit sans y insister, on est amené à penser que le gouvernement italien s’est cru trop souvent en droit de prescrire des mesures arbitraires et parfois assez brutales, mais qu’à tout prendre il a fait plus de bien que de mal aux œuvres charitables, soit en y introduisant d’utiles modifications, soit en écartant de la vie religieuse des jeunes filles, qui y étaient poussées bien moins par une vocation sincère que par indolence ou par difficulté de gagner autrement leur vie, soit en contraignant celles qui restent au couvent à sortir d’une contemplation plus paresseuse que mystique, et à s’adonner à des œuvres utiles. Ce qui montre, soit dit en passant, que,