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doivent être prochainement régularisées, les détenus s’y trouvent au point de vue légal dans une condition particulière et en quelque sorte anormale. Le code veut que tout individu arrêté soit interrogé dans les vingt-quatre heures de son arrestation, par un juge d’instruction qui doit, s’il ne le met sur-le-champ en liberté, régulariser son arrestation, en signant un mandat de dépôt ou d’arrêt en vertu duquel l’inculpé est légalement écroué dans une maison d’arrêt, c’est-à-dire, si nous parlons de Paris, à Mazas pour les hommes, à Saint-Lazare pour les femmes et à la Petite-Roquette pour les enfans. Mais en fait, et principalement en ce qui concerne les enfans, les choses sont loin de se passer ainsi. Souvent le deuxième bureau de la préfecture de police procède par lui-même à une enquête sommaire, et à des démarches dont le but est de faire reprendre l’enfant par sa famille avant qu’il soit livré à la justice. Il est alors de toute nécessité que l’enfant soit conservé au dépôt central à la disposition du préfet de police. S’il était régulièrement écroué à la Petite-Roquette, le pouvoir de mise en liberté que conserve le préfet de police cesserait. De là le séjour prolongé de certains enfans au dépôt en dehors des prescriptions légales, séjour maintes fois signalé, maintes fois critiqué en théorie, et toujours justifié dans la pratique, espèce par espèce, par quelque considération tirée de l’intérêt même des enfans. « Monsieur, disait il y a quelques années au procureur général le fonctionnaire alors chargé de ce service, si sur dix cas pris au hasard parmi ces maintiens irréguliers qui me sont reprochés il y en a un seul qui ne vous paraisse pas justifié par les circonstances, je donne demain ma démission. » L’épreuve fut acceptée, et le fonctionnaire incriminé en sortit à son honneur.

En effet, la magistrature, qui reproche à la préfecture de police ses façons de procéder irrégulières, tombe à son tour dans les mêmes irrégularités, parce qu’elle est commandée par des nécessités semblables. Théoriquement la magistrature n’est chargée que de rechercher l’existence du délit, et, si elle n’en reconnaît pas les signes caractéristiques, elle est en droit d’ordonner la mise en liberté de l’enfant sans s’inquiéter de la situation matérielle où cette mise en liberté va le placer ; mais en fait elle agit souvent, comme la préfecture de police, par voie officieuse d’intervention auprès des parens qu’elle convoque, et pendant ce temps l’enfant, qui a été ce qu’on appelle en style administratif traduit, c’est-à-dire qui a cessé d’être à la disposition du préfet de police pour passer à la disposition du parquet, est maintenu au dépôt central dans les mêmes conditions irrégulières. Il ne dépendrait cependant que du juge d’instruction qui siège au petit parquet de régulariser l’arrestation de l’enfant en le faisant écrouer à la Petite-Roquette sous mandat d’arrêt ou de dépôt. Mais, ce mandat ne pouvant être levé que par