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une ordonnance de non-lieu, la crainte de grossir sur les statistiques le chiffre de ces ordonnances (ce qui semblerait impliquer une certaine légèreté dans les poursuites) fait que les magistrats préfèrent maintenir l’enfant au dépôt, d’où il peut sortir en vertu d’un simple sans suite qui ne figure pas sur les statistiques. Ajoutons que la nécessité d’avoir l’enfant sous la main afin de pouvoir l’interroger et le confronter avec ses parens autant de fois et aussi rapidement qu’il est utile leur paraît aussi commander ce maintien. De toutes ces considérations, il résulte que la magistrature se voit contrainte, tout comme la préfecture de police, de laisser quelquefois assez longtemps les enfans au dépôt central. Lors de la dernière visite que j’y ai faite, il y avait plusieurs enfans qui y étaient détenus depuis quatre, cinq, six jours, l’un même depuis neuf jours, et qui avaient déjà comparu (ce dernier même deux fois) devant les magistrats du petit parquet. Ils n’en étaient pas moins maintenus irrégulièrement au dépôt, non point négligés, non point oubliés, mais parce que le parquet faisait procéder dans leur intérêt même à des recherches qui devaient aboutir probablement à leur mise en liberté. J’avoue que, ne poussant point le respect de la légalité jusqu’au pédantisme, je n’aurais pas pour mon compte grande objection à cette pratique souvent critiquée, si les enfans se trouvaient au dépôt dans des conditions meilleures que celles que je vais avoir à signaler.

Je n’ai pas l’intention de décrire ici le dépôt central, prison parisienne par excellence, avec les variétés si multiples de son organisation, son infirmerie pour les fous, ses cellules pour les détenus de distinction, sa salle des blouses pour les misérables, sa salle des chapeaux pour les demi-fortunes. Je me bornerai à regretter que là, comme en tant d’autres circonstances, les exigences du service aient été subordonnées à des préoccupations architecturales. Lorsque le dépôt a été construit, le plan de la majestueuse façade du Palais de Justice qui donne sur la place Dauphine était déjà conçu, et il fallait à toute force qu’une partie du dépôt pût tenir sous les substructions du grand escalier. Tout a été sacrifié à cette nécessité, et ceux qui gravissent les marches de cet escalier grandiose ne se doutent guère de la triste population qui grouille sous leurs pieds, non plus que du peu de souci qui a été pris de son installation. Plus que personne, les enfans ont souffert de l’étroitesse du terrain affecté au dépôt. À vrai dire, aucune installation spéciale n’a été préparée pour eux, et on a tiré des locaux le parti qu’on a pu. Il y a très peu de temps encore les enfans du sexe masculin couchaient sur des lits de camp établis dans une salle assez peu spacieuse, située au rez-de-chaussée, séparée de la grande