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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/633

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de première communion, chapelet, crucifix, ce qui n’empêche assurément pas le mari de déclamer contre les prêtres. Mais, à tout prendre, cette population de Paris, si la politique ne lui tournait pas la tête et si elle n’était pas exploitée par des ambitions sans scrupule, serait, j’en suis persuadé, de toutes les grandes agglomérations européennes celle où l’on rencontrerait le plus d’intelligence, de courage et d’humbles vertus.

Ce qui, faut-il dire égaie ou attriste, l’aspect de ces royaumes de la misère, c’est le grand nombre des enfans. Règle générale : lorsque vous voyez les enfans pulluler dans une rue ou dans une cité, c’est la plus misérable du quartier. Ce sont les enfans qui ont eu le plus à se féliciter des percemens de M. Haussmann. Ceux qui naissent et sont élevés dans le vieux Paris trouvent presque tous aujourd’hui, à deux pas de leur demeure, des squares où ils peuvent jouer en liberté. Ceux dont les parens se sont réfugiés entre l’ancienne enceinte de Paris et les fortifications y sont élevés comme à la campagne, en bon air. Ils ont la libre jouissance de ces terrains vagues où l’on voit encore paître en grand nombre des vaches et des chevaux. Ils ont généralement bonne mine, la physionomie éveillée, les traits délicats, et l’on peut voir par là combien cette race parisienne est fine lorsque les rudesses de la vie ne l’ont point encore déformée. Malheureusement dans ces quartiers où la population est très dispersée l’école est loin. Beaucoup, négligence ou misère des parens, prennent de bonne heure l’habitude de ne pas la fréquenter. On les rencontre par bandes, se gardant les uns les autres, les aînés portant les cadets, et courant les rues ou les champs. Peu à peu les forces viennent, et avec les forces l’audace ; le boulevard extérieur n’est pas loin, et tout boulevard n’a-t-il pas ses séductions ? De ces promenades aventureuses au vagabondage en règle, il n’y a qu’un pas, souvent franchi, et c’est assurément aux enfans de ces régions que le dilemme un peu excessif « école ou prison » s’applique avec le plus de vérité.

À côté de l’armée des petits vagabonds, il y a celle des petits mendians, qu’il ne faut pas confondre, bien que ces deux armées se prêtent un mutuel renfort. Je viens d’expliquer les causes du vagabondage ; celles de la mendicité sont un peu différentes. Je les indiquerai dans une prochaine étude.


OTHENIN D’HAUSSONVILLE.