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Peu à peu des ressources plus importantes permirent de compléter ces premiers ouvrages dus à la charité publique. Le roi de France prit l’habitude de faire exécuter sur ses domaines des travaux de voirie, soit avec les seuls produits de son apanage, soit en y faisant concourir, sous la forme d’un impôt spécial, les localités qui en devaient profiter. Les grands vassaux l’imitèrent souvent. Le pape Innocent IV, pendant le séjour qu’il fit à Lyon en 1245, donna l’ordre d’édifier le pont de la Guillotière ; les ouvriers furent payés en partie par des indulgences : c’était alors une monnaie courante. Il n’y a pas apparence que l’on ait, au moyen âge, employé les corvées sur les chemins, sauf en temps de guerre pour faciliter le passage des troupes, et en temps de paix pour réparer les avenues des châteaux. La corvée était cependant connue ; tout serf la devait à son seigneur. Au contraire, les péages étaient fréquens sous forme d’impôt dû par le voyageur au seigneur dont il traversait les domaines. Ce n’était en somme qu’une espèce de douane intérieure sans affectation spéciale à une nature de dépenses ; du moins il en fut ainsi tant que dura le régime féodal. Plus tard, le roi concéda des péages avec le but avoué de créer des ressources pour l’entretien des chemins. Il est vrai que le produit de l’impôt était souvent appliqué à d’autres dépenses, si bien que les péages, au lieu de favoriser la circulation, devenaient un nouvel embarras. Plusieurs ordonnances royales rappellent aux concessionnaires les conditions auxquelles le droit de lever des deniers sur les passans leur a été accordé ; ces actes sont nombreux, d’où l’on peut conclure que l’autorité royale avait peine à se faire obéir.

On trouve une autre preuve du mauvais état des chemins au moyen âge dans les témoignages qui restent du développement considérable qu’eut alors la navigation intérieure. Fort actif dans l’ancienne Gaule, sous la domination romaine, le commerce par eau disparut après l’invasion barbare. Ce ne fut pas une éclipse de longue durée, car des chartes des premiers rois de France constatent l’existence de corporations de bateliers sur les grandes rivières. Le vin, le blé, le bois, les fourrages, toutes matières encombrantes, arrivaient à Paris par bateaux. La plus importante peut-être de ces corporations était celle des personnes « fréquentant et marchandant sur le fleuve de Loire et les autres rivières chéant et descendant en icelui fleuve. » Sans cesse menacés par les exactions des seigneurs dont ils côtoyaient les domaines, les mariniers obtiennent du roi Charles VI, en 1402, la permission de s’imposer une contribution dont le produit couvrira les frais de leurs nombreux procès. Un peu plus tard, ils en sollicitent le renouvellement, sous promesse d’en consacrer une partie à des travaux d’entretien. Au surplus, la batellerie n’était pas seule intéressée à l’amélioration de la