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gelée, mais elles se dessèchent trop dans la saison chaude. C’est en mélangeant les deux espèces en proportion convenable que l’ingénieur donne à la route une fermeté persistante en toutes saisons. Comme la composition géologique de notre sol est loin d’être uniforme, c’est en chaque département, en chaque canton même, une étude à faire sur les carrières qui s’y trouvent ou une comparaison de prix de revient entre les matériaux à bon marché que l’on a sur place et les matériaux plus chers qu’il faut amener de loin.

On voit quel rôle important joue dans notre outillage industriel l’humble caillou cassé qui s’amasse en pyramides régulières au bord de tous nos chemins. Le vieux pavé dont les ingénieurs d’il y a cent ans avaient garni toutes les grandes routes des environs de Paris est abandonné maintenant ; à peine le tolère-t-on là où il existe ; il donne trop cahots. C’est le macadam à surface unie et résistante que le public réclame sur toutes les voies, routes nationales, routes départementales ou chemins vicinaux. Or l’étendue de ces voies s’est prodigieusement accrue depuis le premier empire ; quelques chiffres feront apprécier ce qu’il en est. Il existe en ce moment, sur le territoire français, environ 38,000 kilomètres de routes nationales, 46,000 kilomètres de routes départementales et 360,000 kilomètres de chemins vicinaux.

Dans l’historique qui précède, il n’a été question que des grandes routes qui relient la capitale aux frontières ou les grandes villes entre elles. Jusqu’à la monarchie de juillet, le gouvernement ne s’occupa pas des modestes chemins communaux dont le propriétaire rural a besoin pour se rendre à la ville voisine, le fermier pour conduire ses denrées au marché. Tout au plus trouverait-on, dans les archives des intendances, quelques arrêtés de police prescrivant aux cultivateurs de les labourer en travers pour niveler les ornières trop profondes. En vain des décrets impériaux mettent-ils l’entretien des chemins à la charge des communes, en vain une loi de 1824 autorise-t-elle les conseils municipaux à s’imposer à cet effet des centimes additionnels ou des journées de travail en nature. Soit inertie, soit ignorance, les communes ne faisaient rien. Comment en aurait-il été autrement ? Il n’y avait à cette époque dans les campagnes personne qui sût expliquer comment se doit construire un chemin ; il n’y avait personne non plus qui fût chargé de donner l’impulsion aux bonnes volontés individuelles. Cette lacune fut comblée par la loi de 1836. On sait quelles en sont les principales dispositions. Le préfet devient le grand maître de la voirie vicinale ; certains chemins, qualifiés chemins de grande communication ou d’intérêt commun parce qu’ils desservent un groupe de communes, sont soustraits presque entièrement à l’autorité municipale dont le législateur redoute les négligences. C’est le préfet,