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aucune occasion de témoigner leur bonne volonté. Tout ce qu’on leur a demandé, elles l’ont voté sans marchander, et ce travail qui se poursuit depuis sept ans n’a point été certes sans résultat; mais on peut bien dire que c’est là surtout qu’il reste toujours à faire. Tout récemment le sénat en finissait à peine avec une loi sur le service d’état-major qui, avant d’être adoptée, a passé par mille péripéties et qui n’a été peut-être sanctionnée que de guerre lasse. La chambre des députés, à son tour, vient de s’occuper de deux lois d’une certaine importance, l’une améliorant les pensions militaires, l’autre, attendue et proposée depuis longtemps, faite pour assurer aux sous-officiers une position et des avantages qui puissent les attacher à l’armée dont ils sont le premier ressort et le nerf, dont ils forment le cadre élémentaire.

Cette question des sous-officiers qui vient d’être discutée et tranchée par un vote à Versailles, elle n’est point, à vrai dire, spéciale à la France. Depuis quelques années, elle s’est élevée dans tous les pays, en Allemagne comme en Italie. Partout on s’est trouvé en présence de la même difficulté : les sous-officiers ne restent pas sous le drapeau. Ils font leur service légal, ils ne suivent pas la carrière. Ceux-là mêmes qui sont proposés pour l’avancement refusent assez souvent d’aller plus loin, d’attendre une épaulette incertaine ou lente à venir, et, dès que l’heure de la libération arrive, ils se hâtent de partir, de rentrer dans la vie civile, où ils espèrent retrouver des conditions plus favorables. De là un affaiblissement évident pour l’armée privée de cette cohésion que donne un encadrement permanent et solide par un corps de sous-officiers éprouvés, façonnés aux traditions et aux mœurs militaires. La difficulté est réelle, pressante, elle a mille fois attiré l’attention de tous ceux qui s’intéressent à notre réorganisation militaire. C’est à ce mal qu’on a voulu remédier par la loi nouvelle, en créant tout un système d’avantages pécuniaires pour les sous-officiers qui consentiront désormais à prolonger leur service. On n’a rien négligé, nous en convenons. On n’a pas craint de se de juger et d’oublier cette déclaration un peu naïve par laquelle on assurait il y a quelques années qu’il n’y avait plus désormais de prime dans l’armée française. On a cette fois multiplié les primes, les hautes paies, sans parler des perspectives d’emplois civils à l’heure de la retraite. Tout cela a été étudié et combiné avec soin, avec sollicitude et avec prudence. Rien de mieux, c’est la marque de l’intérêt que la chambre porte aux affaires de l’armée; il ne faudrait pas cependant, après avoir eu l’illusion du service absolument désintéressé, tomber aujourd’hui dans une méprise d’un autre genre. Le problème est infiniment plus complexe et plus délicat qu’on ne semble quelquefois le croire. Les avantages matériels sont quelque chose sans doute, ils ne sont pas tout et ils ne suffiraient probablement pas pour décider des vocations que d’autres mobiles ne