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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 27.djvu/780

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le pouvoir royal. Enfin Mazarin et Anne d’Autriche triomphèrent de l’opposition des parlemens et des frondeurs. Chacune de ces luttes avait abouti à un agrandissement territorial ou à une suprématie plus éclatante de la couronne. À la Bretagne annexée sous Charles VIII, au Bourbonnais, à la Marche, à l’Auvergne obtenus par François Ier, aux trois évêchés de Metz, Toul et Verdun conquis par Henri II, à la Navarre, au Béarn, à la Bresse, au comté de Foix rattachés par Henri IV, Mazarin avait joint l’Alsace, l’Artois, le Roussillon et le versant septentrional de la Cerdagne. Bien plus, l’habile et prévoyant ministre avait ouvert les voies à Louis XIV vers un avenir encore plus glorieux en le mariant avec l’infante Marie-Thérèse, Louis XIV comprit en effet que le seul moyen d’illustrer son règne était de tourner à son profit toutes les conséquences possibles de ce mariage. François Ier avait lutté avec des chances diverses contre la maison d’Autriche. Henri II et Henri IV l’avaient battue. Richelieu et Mazarin avaient fait ressortir aux yeux de l’Europe, l’un la faiblesse de la branche d’Autriche par les traités de Westphalie, l’autre la faiblesse de la branche d’Espagne par le traité des Pyrénées. Il n’y avait plus qu’à déposséder cette seconde branche. C’est ce que fit Louis XIV. Des instrumens qu’il mit au service de ces grands projets, les uns, destinés à la guerre, s’étaient formés à l’école de Gustave-Adolphe ; les autres s’étaient préparés à la diplomatie par les conseils ou les exemples de Richelieu et de Mazarin.

Parmi ces derniers, il en est un qui aurait dû depuis longtemps attirer l’attention de l’histoire, si l’histoire n’était pas en général injuste pour les diplomates. D’ordinaire leur nom surnage à peine au-dessus des questions politiques qu’ils ont résolues. Laissant après eux non des œuvres éclatantes, connues de tous et qui témoignent pour eux, mais des travaux enfouis dans les archives et malaisés à découvrir, ils jouissent le plus souvent d’une moins grande réputation auprès de la postérité qu’aux yeux de leurs contemporains. D’autre part, quand deux coopérateurs sont associés à la même œuvre, il est bien rare que l’honneur ne soit pas exclusivement attribué à celui qui, méritant seulement la plus grande part, l’obtient néanmoins tout entier. Pour l’œuvre à laquelle Richelieu et Louis XIII ont inégalement, mais tous deux, participé, le génie du ministre supérieur a effacé les mérites du roi, mérites réels, bien que plus modestes. Pour l’admirable campagne diplomatique si merveilleusement dirigée de 1661 à 1671 par Louis XIV et Hugues de Lionne agissant de concert, la gloire est allée tout entière au monarque. Cette injustice doit d’autant plus être réparée qu’elle n’est pas la seule qu’ait subie Lionne. Tandis qu’il a perdu le