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désormais de maintenir son maître dans les voies de la modération, il succomba après avoir assez vécu pour participer à la gloire du règne, et point assez pour en voir le déclin. Ce politique, si sage dans le gouvernement des choses de l’état, avait été moins avisé dans le gouvernement de lui-même.


V.

Tel nous est apparu Lionne dans les rares souvenirs de ses contemporains et surtout dans ses innombrables dépêches. Sa trace y était restée comme ensevelie sous la poussière des archives, et nous avons essayé de le faire revivre avec sa physionomie propre, avec sa variété si féconde.

La tâche que nous nous sommes efforcé d’accomplir dans un crayon rapide, dans une esquisse plus que dans un tableau, M. Valfrey vient de la commencer, et il entreprend non pas de retracer un portrait, mais de nous donner dans un vaste ensemble les témoignages mêmes laissés par Lionne et les principaux documens diplomatiques qui émanent de ce grand ministre. Il est à peine au début de son entreprise, puisque son premier volume[1] comprend seulement ce qui concerne deux missions de Lionne en Italie. Ni le traité des Pyrénées, ni la ligue du Rhin, ni les dix années de ministère, ne sont entamés, et, comme ce sont ces grandes négociations que nous venons de donner pour unique fondement à notre étude, nous n’avons pas eu à nous servir et nous n’avons pas pu parler encore de l’ouvrage de M. Valfrey. La sympathie profonde, la sincère admiration que nous a inspirées Lionne dans les recherches personnelles auxquelles nous venons de nous livrer nous conduisent naturellement à féliciter son nouvel historien de l’entreprise qu’il commence. Nous apprécions trop les immenses services de Lionne pour ne pas applaudir de tout cœur à une publication qui les mettra au grand jour, et cela en donnant le plus, souvent possible la parole à celui qui les a rendus.

Il est plusieurs façons d’écrire l’histoire et de mettre en œuvre les documens nombreux dont elle s’étale dans ce siècle libre et éclairé. Ou bien l’historien s’instruit par la lecture de ces documens, les digère lui-même et en. fait le fondement solide de son récit; ou bien il reproduit textuellement les documens eux-mêmes en les accompagnant de commentaires, en les enchâssant dans des exposés qui leur servent de liaisons et qui sont pour le lecteur autant d’éclaircissemens utiles; ou bien encore il adopte une forme

  1. Hugues de Lionne, ses ambassades en Italie, 1 vol. in-8o; Didier.