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MYCÈNES ET SES TRÉSORS.


cés d’un trou qui formaient des colliers : quelques-uns sont de véritables bijoux qu’on s’étonne de voir figurer dans un ornement de ce genre, décorés et travaillés avec un art des plus délicats. Ils paraissent avoir été enfilés pêle-mêle avec des perles ou des lentilles des matières les plus précieuses : cristal de roche, onyx, agate, ambre, ivoire. Quant aux vêtemens, ils étaient décorés de riches boulons, dont la plupart étaient en bois recouvert d’une feuille d’or, et fixés avec des broches des formes les plus variées. Une de ces broches, qui représente une femme placée au milieu d’un anneau d’or et étendant les bras, est certainement un des joyaux les plus riches de la collection Schliemann. Une ceinture d’or servait à relever les longs vêtemens des femmes. Mentionnons enfin les boucles d’oreilles, les bagues, les bracelets. Un de ces derniers rappelle exactement la forme des bracelets modernes, ornés d’un médaillon.

Les objets que nous venons d’énumérer s’expliquent pour la plupart d’eux-mêmes. Boutons, boucles d’oreilles, broches, épingles, etc., ont leurs similaires dans les usages actuels. Mais les Mycéniens avaient des ornemens particuliers dont on présume l’emploi, sans pouvoir l’affirmer : c’étaient des bijoux légers, formés de feuilles d’or repoussé, et portant pour la plupart de petits trous sur les bords. Selon toute vraisemblance, on les cousait sur les vêtemens. Beaucoup ont la largeur d’une pièce de cinq francs : ce sont des papillons, des griffons, des cerfs, ou des feuilles de laurier ou d’autres arbres, tantôt isolés, tantôt groupés de manière à figurer des croix et des étoiles. D’autres atteignent la largeur de la paume de la main : c’est la dimension d’une série de plus de sept cents feuilles à peu près rondes, découvertes dans le troisième tombeau seulement. Comment supposer que des feuilles d’or grandes comme une coquille de pèlerin pouvaient être plaquées en si grand nombre sur les vêtemens ? Il est à croire qu’on avait placé dans le sépulcre toutes celles qui avaient appartenu au défunt. Toujours est-il que ces feuilles d’or sont l’objet le plus typique de l’art ornemental à Mycènes. L’imagination des orfèvres s’est donné carrière en toute liberté, et avec une variété infinie. Tantôt il y a un cercle central entouré de méandres compliqués, ou d’une série d’autres petits cercles, ou de spirales : tantôt c’est une étoile dont les pointes varient de nombre et de forme. D’autres fois les sujets sont empruntés au règne végétal ou animal, tout en conservant cependant un point central, comme dans un bouclier ; ce sont des papillons à grandes ailes avec des nervures rayonnantes, — des coquilles rappelant les coquilles de pèlerin, — des poulpes dont les suçoirs vont se terminer en gracieuses spirales. Le poulpe, soit dit en passant, joue un grand rôle dans l’ornementation mycénienne.