réflexions, aura suffi pour ramener à la maison paternelle ou à l’atelier la jeune fille qui s’était sauvée pour faire la noce, comme elles disent dans leur langage caractéristique. Mais trop souvent une première, une seconde, voire une troisième leçon demeurent infructueuses. À la quatrième arrestation, la menace d’inscription devient sérieuse. Parfois l’insoumise, reconnaissant qu’elle ne peut continuer avec profit son honteux trafic, la réclame elle-même ; mais cette demande ne paraît pas à l’administration de la police une raison déterminante. Si l’on se trouve en présence d’une majeure, on discute avec elle les raisons qui la font agir ; allègue-t-elle la nécessité de nourrir ses enfans (j’ai entendu donner cette raison), on lui offre les secours de l’Assistance publique ; allègue-t-elle sa misère, on lui offre de la faire entrer dans un refuge ; paraît-elle sous l’empire de quelque mauvaise influence ou d’une disposition exaltée, on l’ajourne. Ce n’est que lorsqu’on a réellement affaire à une femme maîtresse de ses actions, arrêtée plusieurs fois, évidemment pervertie et sans espoir de retour, qu’on se décide à l’inscription sur sa demande, et même malgré son refus, quand ce refus n’a de sa part d’autres motifs que l’intention de continuer sa vie de débauche sans s’assujettir aux obligations que, dans l’intérêt public, on fait peser sur ses compagnes de vice. Mais, quand il s’agit d’une mineure, les formalités et les précautions redoublent. Peu importe qu’elle demande son inscription ; si cette demande (qu’on leur fait toujours signer) dégage la responsabilité du fonctionnaire vis-à-vis des tiers, elle ne le dégage pas vis-à-vis de sa propre conscience. Si les parens habitent Paris, ils sont encore convoqués, l’eussent-ils déjà été deux ou trois fois, et on leur demande s’ils réclament leur fille ou s’ils consentent à son inscription. S’ils habitent la province, on leur adresse la même question par lettre cachetée qu’on leur envoie par l’intermédiaire du maire ; ou bien on écrit au curé de la paroisse. Très souvent les parens refusent leur consentement et en même temps ne veulent pas reprendre leur enfant. On les invite alors à solliciter du président du tribunal une ordonnance de correction en vertu de laquelle leur fille pourrait être détenue pendant six mois. Souvent encore ils refusent, ne voulant prendre aucune responsabilité d’aucun genre. Si les circonstances lui permettent, si la prostitution clandestine s’est compliquée, chose fréquente, de quelques jours de vagabondage, on essaie parfois d’un autre moyen : c’est de livrer l’insoumise à la justice dans l’espérance que le tribunal ordonnera son envoi dans une maison de correction jusqu’à l’âge de vingt ans. Mais il arrive que les magistrats, trop indulgens ou ne reconnaissant pas dans l’espèce qui leur est soumise le caractère légal du vagabondage, prononcent un acquittement ; peut-être même le magistrat instructeur aura-t-il
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L’ENFANCE À PARIS.