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LES PARLEMENS SOUS L’ANCIEN RÉGIME.

intolérant. Il s’obstina pendant toute une année à refuser l’enregistrement, et n’y consentit que sur l’ordre exprès du roi. le rappel des jésuites, qu’il avait bannis au lendemain de l’attentat de Jean Châtel, le 28 décembre 1594, lui fournit une nouvelle occasion de remontrances, car tout ce qui touchait au saint-siège lui faisait ombrage. Mais le saint-siège avait autorisé le divorce d’Henri IV avec Marguerite de Valois, et, pour prix de ce service, il demandait que l’arrêt de proscription fut levé. Le roi tenait à se ménager au besoin de nouvelles faveurs apostoliques. Il exigea l’enregistrement des lettres de rappel. Le parlement les homologua, en modifiant quelques articles pour faire sentir à la compagnie de Jésus que les lois du royaume primaient les statuts de Loyola. Par malheur pour la France, les jésuites pendant la ligue avaient contribué à répandre dans les foules l’idée qu’il était glorieux de tuer les rois pour sauver le catholicisme. Ravaillac, esprit sombre disposé à l’illuminisme, avait entendu dans sa jeunesse les prédicateurs répéter du haut de la chaire que, « quand bien même le Béarnais aurait bu toute l’eau bénite de Notre-Dame, ils ne croiraient pas à sa conversion. » Il avait entendu glorifier et sanctifier Jacques Clément. Il voulut comme lui gagner le ciel par le régicide, et le 14 mai 1610 il frappa d’un coup mortel l’un des plus grands princes qui aient jamais régné. Les jésuites, qui venaient de rentrer dans le royaume, étaient complètement étrangers à l’attentat, mais les doctrines que quelques-uns d’entre eux avaient professées pendant les troubles avaient mis le couteau aux mains de l’assassin, et le parlement les en fit souvenir.


IV.

Le duc d’Épernon, Jean-Louis de Nogaret de La Valette, se trouvait dans le carrosse du roi au moment du crime. Ce personnage, ancien mignon d’Henri III, dont la vie n’était qu’un tissu de trahisons et d’infamies, voulut en profiter pour disposer de la régence et se faire nommer membre du gouvernement. Trois heures ne s’étaient pas écoulées qu’il se rendait avec le régiment des gardes au couvent des Augustins où le parlement s’était réuni en toute hâte. Il entra brusquement dans la salle, et, mettant la main sur la garde de son épée : « Elle est encore dans le fourreau, dit-il ; si la reine n’est pas déclarée régente avant que la séance soit levée, on saura bien l’en tirer. » Investi par la violence d’un droit nouveau qui flattait son orgueil, le parlement décerna la régence à Marie de Médicis ; mais il ne tarda point à reconnaître que l’acte de souveraineté qu’il venait d’accomplir ne changeait rien à ses rapports avec