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IV.

Au Japon, les négocians ont trouvé un terrain plus accessible, quoique moins sûr qu’en Chine, et rencontré, dans la population, à la fois moins d’aptitude et plus de complaisance. Il manque en effet au Japonais la plupart des grandes qualités commerciales, l’ordre, la méthode, la sûreté du coup d’œil, l’esprit large et l’économie ; mais il a en revanche une intelligence très vive et très ouverte, un grand amour des nouveautés, un certain empressement à satisfaire l’acheteur, une vraie hardiesse de spéculation ; de telle sorte que s’il fait médiocrement ses affaires, il aide les autres à faire les leurs. On ne trouverait pas cinq ou six millionnaires parmi les indigènes, et une fortune de 50,000 dollars passe chez eux pour considérable ; mais plus d’un négociant européen a fait fortune à leurs dépens, tandis que peu de Chinois se sont ruinés en traitant avec les Européens. D’une manière plus générale, tandis que le commerce enrichit la Chine, il appauvrit le Japon, qui exporte beaucoup moins qu’il n’achète et se dépouille ainsi de son numéraire.

Les articles du commerce d’importation sont plus nombreux qu’en Chine. Il faut placer en premier lieu les tissus de toute sorte, indiennes, calicots, flanelles, tricots, velours, lainages, couvertures, qui s’élèvent ensemble, en 1875, à 14,847,205 piastres[1]. Les métaux figurent pour 1,464,963 piastres ; les armes et munitions pour 44,576. Les articles divers, comprenant la verrerie, la pharmacie, l’horlogerie, le pétrole, les machines, la chaussure, la coiffure, le savon, le cuir, le vin, la bière, les denrées alimentaires, atteignent le chiffre de 8,546,835 piastres. Enfin, sous le nom de produits d’Orient, les statistiques révèlent l’importation d’une somme de 4,863,488 piastres de marchandises d’origine chinoise, consistant principalement en sucre et coton. Parmi les tissus, l’Angleterre fournit le plus gros contingent des cotonnades, mais la France expédie en grande quantité des mousselines de laine qui conviennent parfaitement au goût indigène. Le cuir, les chaussures, le pétrole viennent d’Amérique, les machines de Glascow et des ateliers des forges et chantiers où elles sont fabriquées sur commande, l’horlogerie de Suisse, le savon, la parfumerie, la droguerie de France et de Hollande, la bière d’Angleterre. La plus curieuse des révélations de cette statistique, c’est la quantité de produits chinois qui se fraient un chemin jusqu’au marché japonais. Presque toutes les industries européennes y ont un débouché plus ou moins

  1. La piastre mexicaine, dont, la valeur intrinsèque est de 5 fr. 15, sert à toutes les transactions internationales en Chine et au Jupon. Son cours, après avoir atteint 5,85, est tombé à 4,50.