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qu’elle était en droit de réclamer. Le danger était passé, le souvenir des services rendus s’était affaibli ; on n’était plus aux jours où l’on disait à la Banque : « Le crédit de la France est entre vos mains, ne reculez devant aucun sacrifice pour le sauver ; nous considérons comme avances faites à l’état les sommes que vous serez obligés de payer à la commune. » Pour de petites gens, comme vous et moi, c’était là un engagement sacré que plusieurs fois on avait renouvelé sans hésitation ; mais l’état n’a pas de point d’honneur, il est en cela semblable à la politique, il n’a que des intérêts et se moque du qu’en dira-t-on. A la Banque, qui demandait, pièces en main, le remboursement de 7 millions, on offrit 1,200,000 francs. C’était dérisoire, elle refusa. On haussa le chiffre de la somme proposée ; on liarda, on marchanda sans parvenir à se mettre d’accord. L’état ne démordait pas de ses prétentions à réduire une dette contractée dans une vue de salut général ; il niait que M. Pouyer-Quertier, ministre des finances, eût eu le droit d’engager effectivement le trésor ; il préféra faire, en quelque sorte, volontairement une banqueroute partielle, et déclara tout net qu’il ne paierait pas la totalité de la somme exigée. Le conseil général de la Banque rejeta toute transaction. L’affaire fut portée devant le conseil d’état, qui, jugeant au contentieux, rendit un arrêt défavorable à la Banque.

Je suis, je l’avoue, un pauvre clerc en matière de finances et je suis persuadé que le conseil d’état n’a point agi sans raisons sérieuses en prononçant cet arrêt qui m’étonne ; je croyais seulement avec quelque ingénuité que le vieil axiome : « Dette d’honneur ne se prescrit, » indiscutable entre particuliers, avait aussi toute valeur entre les grandes administrations et l’état. C’est là une erreur dont il faut revenir. Lorsque le sous-gouverneur, les régens, tous les fonctionnaires de la Banque, se gardant bien d’imiter l’exemple que leur avaient spontanément donné le chef de l’état, les ministres, les administrateurs et jusqu’aux plus minces employés, restèrent imperturbablement à leur poste, ils se mirent en révolte ouverte contre l’insurrection et ne lui cédèrent pas. Quel que fût leur intérêt personnel à la conservation du grand établissement financier qu’ils représentaient, ils auraient été tentés de se mettre en sûreté, et le souci très naturel de leur propre sécurité les aurait éloignés de Paris, si l’état ne leur avait formellement déclaré qu’en restant là où étaient le péril et l’honneur ils faisaient œuvre de salut public et de défense sociale. Au lieu de porter devant le conseil d’état une question qu’il suffisait de connaître pour résoudre, il fallait consulter la finance de Paris et lui demander ce qu’elle pensait des services que la Banque lui avait rendus par son attitude pendant la durée de la commune. Cette réponse n’eût point été douteuse,