Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/150

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

car elle avait déjà été formulée, dès la fin de mai 1871, dans une adresse, solennellement portée à MM. de Plœuc, sous-gouverneur, Durand, Davillier, Denière, Millescamps, régens, Fère, censeur. Le haut commerce, la haute industrie, la haute finance, sont unanimes : « Permettez donc, messieurs, aux soussignés de venir vous exprimer leur profonde reconnaissance pour le dévoûment sans bornes avec lequel vous avez protégé les immenses intérêts qui vous étaient confiés. » Si, à ce moment, l’état avait déclaré qu’il ne se considérait pas comme responsable du préjudice pécuniaire causé à la Banque par les exigences de la commune, une souscription, en quelque sorte nationale, ouverte dans les grandes régions parisiennes, eût probablement fait rentrer dans les caisses de l’hôtel La Vrillière les sommes que, sur l’autorisation du ministre des finances, les régens et le sous-gouverneur avaient livrées à la commune. Je ne puis juger l’affaire en homme d’état ni en homme de finances, car je ne suis ni l’un ni l’autre ; au point de vue de la rectitude des relations, je la trouve peu correcte ; au point de vue économique, je la trouve maladroite. Que la Banque ait à supporter une perte de sept millions, c’est peu de chose, en vérité, j’en conviens ; mais cela diminue d’autant la valeur des billets en circulation, et cela nous apprend que l’état, quitte à léser son intérêt moral, peut nier ses dettes et refuser de les payer, lorsqu’il y trouve son intérêt matériel, ce qui est une révélation qu’il eût mieux valu ne point faire avec autant de simplicité. En outre, l’affaiblissement de la protection que l’état doit à la Banque ne peut que produire l’affaiblissement de la confiance que la Banque avait dans l’état, d’où résulte l’affaiblissement du crédit public. Si les termes du procès étaient soumis au verdict des chambres, il me semble certain qu’une majorité considérable donnerait gain de cause à la Banque. On se rappellerait que, si, en avril 1871, une sanction législative n’a pas été donnée aux engagemens pris, au nom de l’état, par M. Pouyer-Quertier, c’est qu’alors il y aurait eu un péril excessif à proclamer publiquement que le gouvernement prenait à sa charge les réquisitions pécuniaires de la commune. Celle-ci, forte de ce décret, eût vidé les caisses de la Banque et n’y eût pas laissé un centime. La leçon ne sera pas perdue. La Banque, qui a tout fait pour la France pendant la guerre et pendant la commune, sait aujourd’hui à quoi s’en tenir ; du haut de sa grandeur, elle peut accepter avec quelque commisération l’ingratitude qui a payé ses services. Après l’emprunt si extraordinairement accueilli par le monde entier et qui servit à accélérer la libération du territoire, notre ambassadeur en Angleterre célébrait, au banquet donné le 23 mars 1873 par le lord-maire, les ressources prodigieuses de la France. Soit ; sur ce fait