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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/159

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Dans un travail fort intéressant[1], M. de Laveleye nous apprend qu’en Allemagne même, où la témérité de la pensée va quelquefois très loin, on admet généralement que l’institution de la propriété appliquée au sol répond à la nature de l’homme, assure le maximum de production, et paraît par conséquent indispensable pour tout l’avenir qu’on peut prévoir ; et M. de Laveleye, tout en rappelant que les lois sur la propriété ont varié suivant le milieu social où elles étaient appliquées, ajoute lui-même que « si c’est la loi qui définit la propriété, en détermine les privilèges, les obligations, la limite et les modes d’acquisition, ce n’est pas le législateur qui crée le droit. » En effet, ce droit est dans la force des choses ; l’économie politique en le proclamant ne fait qu’indiquer ce qui est la condition essentielle du progrès des sociétés et ce qui les met à même de remplir la haute mission civilisatrice à laquelle elles sont appelées. Que l’état fasse payer à propos de toute succession un certain droit pour le service qu’il rend par l’inscription sur ses registres de la mutation qui vient d’avoir lieu, rien de plus juste, personne n’y trouvera à redire, si le droit est modéré. Mais lorsqu’il s’agit de 9 pour 100 et que la dépense occasionnée par l’inscription représente à peu près 1/2 pour 100, ce n’est plus un service qu’on paie, c’est un impôt qu’on subit, et il convient alors. d’examiner si, à ce taux excessif, l’impôt est juste et bien conforme aux lois de l’économie politique.

Pour les successions entre descendans et ascendans, le droit est de 1 pour 100, auquel s’ajoutent les deux décimes de guerre, ce qui fait 1,20 pour 100 ; entre époux, il est de 3 pour 100 et, avec les 2 décimes, de 3,60 ; entre frères et sœurs, oncles et neveux, de 6 pour 100 ; entre grands-oncles et petits-neveux, de 7 pour 100 ; entre parens au-delà du de degré, de 8 pour 100 ; il s’élève enfin à 9 pour 100 et à 10, y compris les décimes, entre personnes non parentes, lorsque la succession résulte d’un testament. L’état fait ainsi une grande distinction entre les successions directes et celles qui passent à des parens éloignés ou à des personnes non parentes : en la faisant, il rend hommage au principe du droit de propriété et reconnaît que, lorsque la succession est directe et continue en quelque sorte dans les mêmes mains par une dévolution naturelle, conforme à la volonté du défunt, il n’a pas à intervenir, parce qu’il n’ajoute rien à un droit que l’on ne tient pas de lui. Il en est autrement lorsqu’il s’agit d’une succession par voie collatérale, et qu’il n’y a pas de volonté expresse du défunt ; alors l’intervention du législateur est nécessaire pour suppléer à cette volonté, qui manque ; l’état vient et dit : Si ce n’est pas moi qui crée le

  1. Voyez la Revue du 15 février 1878.