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Page:Revue des Deux Mondes - 1878 - tome 28.djvu/160

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droit de propriété, j’ai au moins le pouvoir de déterminer la limite au-delà de laquelle il ne pourra plus s’exercer, de même qu’il m’appartient de fixer les délais de la prescription pour les acquisitions irrégulières ; c’est une mesure d’ordre public. Les parens ne se connaissent pas toujours au-delà d’un certain degré, ou, s’ils se connaissent, le lien qui les unit est si faible qu’il ne peut constituer un droit rigoureux. Si pourtant je veux bien reconnaître ce droit, je suis libre d’y mettre des conditions et de déclarer, par exemple, qu’on n’héritera après tel ou tel degré qu’en payant 10 ou 12 pour 100. Personne ne peut le trouver mauvais ; il n’y a aucun principe de violé : on ne viole pas la justice, puisque celui à qui passe l’héritage n’y avait aucun droit primordial, et on n’offense pas les lois de l’économie politique, car le défunt, en travaillant pour faire sa fortune, n’a pas été guidé par l’idée que celle-ci dût passer exempte d’impôts à des collatéraux. « L’hérédité, dit encore M. de Laveleye, est utile comme un stimulant à l’accroissement de la richesse ; mais, dans les successions collatérales, elle ne doit pas s’étendre au-delà du degré où elle agit comme un encouragement au travail et à l’épargne ; » et il proposerait volontiers de la limiter au 5e et 6e degré. Il n’en est pas de même, à notre avis, lorsqu’il y a une institution d’héritier faite par testament ; le défunt a usé de son droit, il a choisi son héritier, et, si on veut taxer, cette transmission d’un façon exorbitante, on porte atteinte à ce droit. Il importe d’autant plus de se montrer réservé à cet égard qu’aujourd’hui surtout on a une tendance à favoriser les dispositions testamentaires et à croire que la loi ne doit rien faire pour les entraver. À ce point de vue donc, il paraîtrait équitable qu’on fît une distinction entre les successions qui sont léguées par testament et celles qui ne le sont pas et doivent aller à des héritiers au-delà d’un certain degré. Nous comprendrions qu’on fît payer 10 ou 12 pour 100 et même plus aux parens après le 4e ou 5e degré et qu’on ne demandât pas plus de 2 ou 3 pour 100 aux légataires à titre quelconque comme aux époux. Ces 2 ou 3 pour 100 seraient censés représenter le service que rend l’état en inscrivant la mutation sur ses registres, et, quant aux 10 et 12 pour 100, ils seraient le prix de l’investiture spéciale que la loi veut bien accorder aux héritiers éloignés et qu’elle aurait pu leur refuser. En adoptant cette modification, diminuant les droits d’un côté et les augmentant de l’autre, on arriverait peut-être à obtenir les mêmes recettes et à désintéresser le fisc. Alors tout serait pour le mieux.

On a proposé un autre changement ; on a demandé qu’on fit comme en Angleterre et qu’on tînt compte, pour le droit à percevoir, de l’âge de la personne qui est appelée à succéder. Il est bien évident que, si cette personne est âgée, elle a moins de chance de