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détenir longtemps l’héritage que si elle est jeune. Pourquoi lui faire payer le même droit ? On pourrait se servir des tables de mortalité, comme pour les assurances sur la vie, et établir l’impôt suivant l’âge. En Angleterre, on donne satisfaction à cette idée en capitalisant la succession à des taux différens. Un revenu foncier de 100 liv. sterl. est estimé 1,900 liv., si l’héritier a un an, 1,641 liv. sterl. s’il a trente ans, 1,242 livres sterling s’il a cinquante ans, enfin 541 liv. sterl. s’il a soixante-quinze ans. Cette distinction paraît en effet fort juste. L’état ne doit pas spéculer sur la trop grande fréquence des mutations, et, quand il est probable que cette fréquence aura lieu, il peut en tenir compte. L’idéal, au point de vue de la justice, serait que toutes les propriétés subissent les mêmes droits de mutation, dans un certain laps de temps, comme elles sont soumises chaque année au même impôt foncier. Cette distinction pourtant perdrait de son intérêt si les droits élevés ne s’appliquaient qu’aux successions ab intestat au-delà d’un certain degré. Personne ne s’en inquiéterait. En définitive, quand une succession arrive à quelqu’un qui n’y a aucun droit primordial et qui n’est point institué par testament, il n’y a pas grand inconvénient à ce qu’elle soit soumise deux fois à la même taxe dans un espace de temps assez court, tandis que, si la taxe s’applique ou à des parens assez proches ou à des héritiers par testament, c’est une atteinte portée au droit de propriété et qui est d’autant plus sensible que l’impôt se renouvelle souvent. On peut faire la même réflexion à propos d’une autre réforme qui avait été indiquée par la dernière commission d’enquête agricole : elle demandait qu’on réduisît les droits de succession, lorsqu’ils auraient été acquittés depuis moins de trois ans. Ce projet de réforme n’avait encore en vue que les droits élevés ; s’il ne s’était agi que de 2 et 3 pour 100, cela n’en valait pas la peine, et d’ailleurs la demande eût été injuste, car à chaque mutation l’état est obligé d’intervenir, il rend un service qui doit être payé.

Mais la réforme la plus urgente à notre avis est celle de la déduction des dettes dans l’actif d’une succession. Un homme meurt laissant des charges plus ou moins considérables, attestées par des obligations certaines, inscrites même au bureau des hypothèques, elles absorbent la moitié ou les trois quarts de la succession. N’importe, on paiera le droit sur tout l’héritage, comme si celui-ci était absolument libre ; on ne déduira rien de l’actif. C’est là évidemment une prétention excessive, contre laquelle on réclame en vain depuis nombre d’années. Quelles sont donc les difficultés ? On allègue que, si le trésor entrait dans la voie de la déduction des dettes, il serait exposé à toute espèce de fraudes ; il n’y aurait plus de