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les opérations du Système la surveillance la plus sévère. En 1720, ils refusèrent d’enregistrer l’édit qui convertissait la compagnie des Indes en compagnie de commerce. Le gouvernement répondit par des lettres de cachet qui les exilaient à Pontoise ; mais au XVIIIe siècle, dans ce siècle rénovateur si grand par certains côtés de son histoire, la corruption et la frivolité ne perdaient jamais leurs droits. Le soir du jour où l’exil fut signifié, le régent, qui voulait rester en bons termes avec messieurs de la cour, afin de se ménager l’avenir, envoya 200,000 livres au procureur-général, qui les accepta avec reconnaissance, et une somme plus forte au premier président pour sa table. Pontoise devint un pays de cocagne ; le monde élégant de Paris s’y rendit en foule, dit Duclos, et les visiteurs y trouvèrent le triple avantage de faire une partie de campagne, un bon dîner chez les exilés et un acte d’opposition au gouvernement, ce qui a toujours été de bonne compagnie chez nous.

Les querelles commencées sous la régence se continuèrent presque sans trêve pendant le règne de Louis XV, soit au sujet des affaires administratives, financières et juridiques, soit au sujet de la bulle Unigenitus. Enregistrée en 1713, c’est-à-dire à une époque où le droit de remontrances était enlevé au parlement, cette bulle, lorsque ce droit lui fut rendu, réveilla les querelles théologiques qui avaient troublé le règne de Louis XIV. Le parti janséniste, auquel appartenait la grande majorité des membres de la haute magistrature parisienne, refusait d’y souscrire, et en appelait au futur concile, parce qu’il n’admettait pas l’infaillibilité du pape agissant de son autorité privée. Les molinistes, au contraire, qui comptaient dans leurs rangs la plus grande partie du clergé et les jésuites, l’acceptaient comme article de foi, et voulaient la faire reconnaître au double titre de loi de l’église et de l’état.

Le pape, disait le parlement, ne peut introduire de nouveaux articles de foi dans la tradition catholique, sans consulter l’église universelle réunie en concile œcuménique ; le roi ne peut ériger la bulle en loi du royaume, sans porter une grave atteinte aux libertés gallicanes. Cette bulle d’ailleurs, par des interprétations abusives, prête à ceux qu’elle condamne des opinions qu’ils n’ont jamais eues, et contre lesquelles ils sont les premiers à protester : les contraindre à s’y soumettre serait attenter à leur conscience et commettre un acte de tyrannie.

Le pape, disaient à leur tour les molinistes, n’introduit aucune nouveauté dans la tradition. Le jansénisme n’est qu’une hérésie déguisée qui renouvelle Pelage et Calvin. Les conciles l’ont condamnée vingt fois, et la bulle ne fait que confirmer leurs canons. Le roi est le fils aîné de l’église, son premier devoir est de la