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LES ATTENTATS
DU 11 MAI ET DU 2 JUIN 1878

Le 1er janvier 1871, Versailles fut le théâtre d’une fête dont le palais de Louis XIV s’étonna ; il s’en étonne encore. C’était une fête qu’un Hohenzollern s’y donnait à lui-même. Il y eut une réception de gala, suivie d’un banquet à l’hôtel de la préfecture. Un vieux souverain leva son verre pour saluer l’année qui commençait ; puis le grand-duc de Bade porta la santé de son beau-père et de son futur suzerain. Il rappela que Frédéric-Guillaume IV avait dit vingt et un ans auparavant : « Une couronne d’empereur ne peut être gagnée que sur les champs de bataille. » Il ajouta : — Cette parole s’est brillamment accomplie. Vive sa majesté Guillaume le victorieux ! — À quelques jours de là, le 18 janvier, le nouvel empire germanique fut solennellement proclamé dans la galerie des glaces. On vit se dresser un autel recouvert d’un drap rouge, où se détachait l’image d’une croix de fer ; cet autel était environné de drapeaux. Un chœur de soldats entonna le cantique : « Tout l’univers fête le Seigneur. » Quand on eut chanté la liturgie, le roi, qu’entouraient les représentans de toutes les familles souveraines de l’Allemagne, ordonna à son chancelier, récemment nommé général de division, de lire la proclamation qu’il adressait au peuple allemand. Il y annonçait que, cédant aux instances des princes et des villes libres, il s’était fait un devoir de restaurer la couronne impériale et de la poser sur sa tête. Il en donnait acte à ses peuples et appelait sur eux comme sur lui-même la bénédiction du ciel. Le grand-duc de Bade s’écria : — Vive sa majesté l’empereur d’Allemagne ! — L’assistance répéta ce cri, et la musique militaire exécuta l’hymne national prussien[1].

  1. Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, par M. Albert Sorel, t. II, p. 145 et 146.