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négociations, et si au premier instant il a pu y avoir quelque doute sur l’authenticité de la révélation, l’incertitude a été bientôt dissipée : les transactions qui ont été adoptées, qui sont à peu près déjà connues, ne sont que la confirmation des arrangemens secrets que le journal anglais le Globe a été le premier à divulguer. Le point capital de ces transactions jusqu’ici, c’est ce qui touche la Bulgarie, dont le traité de San-Stefano faisait une seule principauté allant du Danube à la mer Egée, dont l’Europe fait aujourd’hui deux provinces, l’une, la Bulgarie proprement dite, limitée par les Balkans, livrée sous une indépendance nominale à la Russie, l’autre prenant le nom de Roumélie et restant par une dernière fiction sous une ombre de protectorat ottoman.

La combinaison nouvelle pourrait passer pour une victoire diplomatique, elle ressemblerait à une satisfaction donnée par la Russie aux intérêts européens, si la concession n’était plus apparente que réelle, si la ligne de défense des Balkans laissée aux Turcs n’était rendue absolument vaine par l’attribution de Sofia à la Bulgarie du nord, c’est-à-dire à l’influence russe. Au fond, il faut voir les choses dans leur vérité, c’est le démembrement de la Turquie, c’est le partage d’un empire accepté, sanctionné par un congrès. C’est le seul moyen d’éviter de plus graves complications, c’est le prix de la paix, dira-t-on ; soit ! le spectacle n’est pas moins étrange, il ne s’était pas vu depuis longtemps, et si des vices d’administration, des oppressions intérieures suffisent pour légitimer le partage diplomatique d’un empire, c’est un progrès nouveau de droit public qui peut conduire loin.

L’attentat dont l’empereur Guillaume a failli être la victime au commencement du mois et qui a précédé de si peu la réunion du congrès de Berlin, cet attentat a fort heureusement sans doute trompé les espérances du criminel qui l’avait prémédité et qui l’a accompli. Peut-être cependant est-il destiné à laisser quelques traces, et, sans avoir positivement ouvert une crise politique en Allemagne, il pourrait bien avoir contribué à décider une situation. S’il n’a pas eu le triste succès que se promettait le meurtrier, il a eu du moins ce premier et cruel résultat de mettre en danger la vie de l’empereur, d’ébranler profondément une organisation d’octogénaire. Il a révélé des intensités de passions anarchiques, des violences d’hostilités qu’on ne soupçonnait peut-être pas, qui ont suscité aussitôt une vague inquiétude, et, s’il n’a pas été la cause unique et directe de la dissolution du Reichstag, que le gouvernement vient de prononcer, il a été tout au moins le prétexte, l’occasion ; il a précipité une résolution qui remet tous les partis en présence devant le pays, qui rallume des conflits d’opinions dans des circonstances assez graves pour que l’émotion soit dans tous les camps. En un mot, l’attentat de Nobiling, suivant de si près l’attentat du ferblantier Hœdel, a créé une situation qui, sans être par elle-même une crise,