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pourrait être le commencement d’une crise, le point de départ d’une certaine évolution du gouvernement et des partis. En France aussi il va y avoir des élections d’ici à peu de jours ; mais ces élections sont partielles, peu nombreuses, et dans tous les cas, quel qu’en soit le résultat, elles ne peuvent modifier les conditions parlementaires. En Allemagne, aux élections du 30 juillet, c’est un renouvellement complet du parlement provoqué ou hâté par les derniers attentats ; c’est le pays tout entier que le gouvernement interroge, comptant obtenir de lui la réponse qu’il désire, une majorité acquise à la politique qu’il médite et à ses nouveaux projets. Or quelle est cette politique ? Quels sont les plans qu’on se propose de soumettre au nouveau Reichstag ? C’est le secret de M. de Bismarck, qui au milieu des travaux du congrès de Berlin est certainement préoccupé de l’état de l’Allemagne, et qui ne s’emploie peut-être si activement, si impatiemment à maintenir la paix que pour retrouver toute sa liberté dans les affaires intérieures de l’empire, dont il reste l’arbitre.

Le chancelier d’Allemagne sent visiblement aujourd’hui le besoin d’écarter le péril de complications extérieures, d’assurer la paix du continent, et il sent aussi le besoin d’avoir de bonnes élections, c’est-à-dire des élections favorables à ses idées. Il compte vraisemblablement y réussir, d’autant mieux qu’il pourra se présenter au scrutin du 30 juillet avec un traité européen signé à Berlin, constatant son influence personnelle en même temps que le prestige de l’Allemagne. Ce que M. de Bismarck se propose de faire, on ne le voit pas bien encore. S’il a pris le parti de dissoudre le parlement, c’est sans doute parce qu’il ne trouvait plus dans le dernier Reichstag le genre d’appui qu’il désirait. Les difficultés qui se sont élevées au sujet des mesures à prendre contre les propagandes socialistes et démagogiques n’auraient pas été, à ce qu’il semble, un motif suffisant. Ces difficultés ne se sont produites que parce que les projets qui avaient été présentés n’avaient peut-être pas été soutenus avec assez d’autorité, parce que M. de Bismarck lui-même était absent, parce qu’enfin l’attentai de Nobiling n’avait pas éclaté. Aujourd’hui, dans tous les camps parlementaires, sauf dans la petite tribu socialiste composée d’une douzaine de membres, on paraissait disposé à voter tout ce qui serait présenté ; on n’aurait probablement rien refusé au chancelier. La question des mesures répressives contre le socialisme n’a donc pu être que par occasion, par circonstance, la cause de la dissolution du Reichstag. Évidemment M. de Bismarck, tout en songeant à demander des armes contre la démagogie, a d’autres préoccupations, d’autres intentions. Il a depuis longtemps ses idées sur l’organisation des finances fédérales par un système d’impôts indirects, sur le régime commercial de l’empire, sur les chemins de fer. C’est pour l’application de ces idées qu’il ne se sentait pas soutenu comme il le voulait dans le dernier parlement, et plus d’une fois il s’est impatienté des résistances