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orientaux ; mais, faute d’orientalistes, ces trésors ne profitaient à personne. Un prélèvement opéré sur les bénéfices ecclésiastiques fournit les fonds nécessaires pour rétribuer de nouveaux professeurs ; ce furent des bénédictins de Vallombreuse qui durent enseigner le grec, l’hébreu, l’arabe et le syriaque. On voulut ainsi préparer des érudits capables de faire honneur à la bibliothèque dont le soin leur serait confié. Le catalogue du fonds oriental avait été rédigé et imprimé en 1742 par un des Assemani : il y aurait à le tenir au courant ; de plus, il conviendrait d’expliquer et de publier les plus curieux de tant de textes inédits. Nulle part on n’était mieux placé qu’à Florence pour remplir cette tâche ; on y possédait une admirable suite de caractères orientaux, celle qui avait été fondue à Rome en 1530 par les ordres du cardinal Ferdinand de Médicis.

Les académies, avec l’émulation qu’elles excitent et l’échange d’idées qu’elles provoquent, contribuèrent aussi à compenser, pour Florence, la perte de son université. On peut regarder comme la première société savante qui se soit fondée en Europe ce groupe d’adorateurs du génie antique et de la philosophie platonicienne qui se réunissait à jours fixes dans la villa médicéenne de Careggi ; Marsile Ficin en était le président naturel, et Laurent le Magnifique prenait un vif plaisir à partager ces entretiens et ces discussions. Ces conversations, qui se poursuivaient pendant de longues heures sous les cyprès et les chênes verts d’une maison de campagne florentine, rappelaient en effet celles qui s’étaient tenues jadis au bord du Céphise attique, sous ces peupliers et ces platanes dont Sophocle a chanté la fraîche verdure. Le souvenir des jardins d’Académos n’avait ici rien de déplacé ; mais il a fallu cette puissance d’appropriation dont tous les idiomes ont le secret pour que ce même terme en vînt à désigner dans toutes les langues de l’Europe des associations qui n’eurent bientôt plus qu’un rapport très lointain avec l’illustre modèle que s’était proposé, dans son enthousiasme naïf, l’académie platonicienne des Médicis. Celle-ci fut dispersée et détruite par les troubles de Florence en 1521 ; mais l’idée et le goût ne s’en perdirent pas. Elle eut des héritières : l’Académie florentine, à laquelle en 1542 Cosme Ier remettait l’autorité, les honneurs, les privilèges et les émolumens qui avaient appartenu jusqu’alors au recteur de l’université ; plus tard l’Académie de la Crusca, en 1582, qui se chargea tout particulièrement d’étudier et de perfectionner la langue italienne. La Toscane, sur ces entrefaites, avait produit Galilée ; c’était à Florence qu’il avait passé toute la dernière moitié de sa vie, et il y laissait des élèves distingués. Ceux-ci, sous le patronage du cardinal Léopold de Médicis, fondèrent en 1657 l’Académie del Cimento, dont la carrière fut courte, mais brillante. Comme l’Académie de la Crusca avait précédé l’Académie française, l’Académie del