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fidèle aux vieux usages, il ne permettait point qu’on l’allumât. « Le feu, c’est malsain. »

Aujourd’hui, dans toutes les maisons des quartiers neufs, il y a des cheminées à la prussienne, où l’on brûle le chêne mêlé au coke. Le bois est cher ; il faut le faire venir d’assez loin. On en consomme pourtant beaucoup ; pour trouver des locataires, les vieilles maisons et les anciens palais se sont aussi munis, tant bien que mal, d’appareils de chauffage. Les immigrans des autres provinces italiennes apportaient à Florence des besoins que l’on n’y avait guère éprouvés jusqu’alors ; pour qu’ils ne se sentissent point trop dépaysés, on a tenu à satisfaire ces besoins et ces goûts. On s’est donc mis à cette tâche avec un empressement, disons le mot, avec une précipitation qui prouvait plus de courtoisie que de prudence. On a voulu faire de Florence une ville moderne sans lui enlever sa physionomie originale ; on a voulu élargir le cadre sans le briser, adapter à des temps et à un rôle nouveau la Florence qu’avait enfantée le régime du patriotisme municipal et de l’Italie morcelée, transformer l’ancienne cité républicaine, l’ancien chef-lieu de l’étroite Toscane en une digne capitale du grand état qui venait de se fonder au sud des Alpes.

Au point de vue du goût, on ne saurait que louer le plan qui a été suivi, la discrétion avec laquelle ont été accomplis les changemens nécessaires. On a respecté l’ancienne ville, celle qui était comprise dans l’enceinte du XIIIe siècle, la troisième et dernière des enceintes florentines. On s’est contenté de redresser et d’élargir, par de rares démolitions, quelques voies qui ne suffisaient plus aux exigences d’une circulation devenue beaucoup plus active que par le passé ; on a prolongé certaines rues et dégagé certains édifices ; mais on ne s’est point livré à cette fureur de destruction dont paraît possédé, par exemple, le municipe de Milan. A Milan, tout autour du dôme, les vieux quartiers ont été éventrés en tous sens ; on a fait disparaître ainsi nombre de maisons curieuses par leur architecture ou intéressantes par les souvenirs historiques qui s’y rattachaient.

L’édilité florentine s’y est prise autrement elle s’est défiée d’elle-même : pour ne pas céder à la tentation, elle ne s’y est point exposée. Une fois que l’on a commencé des percemens, on n’est plus maître de s’arrêter. Toute avenue amorcée veut être achevée, coûte que coûte, quoi qu’elle écrase sur son chemin. Une fois qu’elle est terminée, elle appelle d’autres voies qui lui fassent pendant, ou qui la coupent en dessinant avec elle ces angles droits, la joie et l’orgueil des ingénieurs. Préfets, maires et conseillers municipaux se trouvent atteints ainsi d’une sorte d’ivresse. La poussière blanche que soulève et que répand dans l’air le pic des démolisseurs a je